Le Sang des innocents est un curieux cas d'école. Un giallo longuet, un whodunit potache, un film hybride de grand maître fatigué. Argento, à la fin des années 90, accumule les échecs artistiques, avec ce film il revient alors à ce pourquoi il est reconnu, le thriller baroque à l'arme blanche, ce genre où il a tant excellé avec les films de sorcellerie. De Profundo Rosso à Trauma (avec la sulfureuse Asia "Scarlet" Argento), on a suivi l'oeuvre dérangeante et onirique de cet ancien acolyte de Sergio Leone (il a été le coscénariste avec Bertolucci de l'intouchable Il était une fois dans l'Ouest). Alors pourquoi voue-t-on une tendresse toute particulière pour ce film fatigué, dont la mollesse végétative fait -et ça fait peur- étrangement pensé à un interminable épisode de Derrick? Pour le numéro de cabot papy gâteau de Max Von Sydow? peut-être oui... Pour ces scènes de meurtre toujours aussi inventives et belles à se damner (ce train dans la nuit! ce long travelling sur un tapis rouge dans le hall de l'opéra! ah la la la la!)? Oui aussi aussi! Mais s'il on affectionne ce film c'est qu'on y voit Argento délaisser le chic du truc pour le hic du toc. À la manière d'un Hitchcock qui à la fin de sa carrière ne signa plus que des films "mineurs", majestueux dans l'appauvrissement du style, témoignages d'un cinéma de marionnettes désarticulées où le décor se casse la gueule. Argento, comme Hitchcock, atteint alors une tonalité nouvelle, appauvrie et nue, donc toujours sublime. Car libre de tout foutre en l'air et de brûler les meubles avec. Après le saccage, ne reste plus aux héritiers qu'à piller les restes.

m_le_mauduit
8
Écrit par

Créée

le 5 juin 2011

Critique lue 364 fois

2 j'aime

m_le_mauduit

Écrit par

Critique lue 364 fois

2

D'autres avis sur Le Sang des innocents

Le Sang des innocents
Play-It-Again-Seb
7

La patte du maître

Après la sortie de route que constitue Le Fantôme de l’Opéra et avant plusieurs ratés, Dario Argento signait un retour aux sources avec ce pur giallo dont le titre français ridicule challenge presque...

Par

le 3 nov. 2023

6 j'aime

3

Le Sang des innocents
Jibest
8

Le Chant du Cygne avant sa décapitation

Dario Argento a longtemps cherché à surprendre et à innover dans les codes du giallo qu'il a à moitié inventé. Les années 90 ont été riches en originalité mais peu concluantes : introduction de sa...

le 5 nov. 2012

6 j'aime

3

Le Sang des innocents
AMCHI
6

Critique de Le Sang des innocents par AMCHI

Sans être mauvais je m'attendais à mieux de la part de Dario Argento, il y a une certaine ambiance (quelques scènes sanglantes font leur effet) mais j'imaginais une atmosphère plus envoûtante mais...

le 25 janv. 2015

4 j'aime

Du même critique

Newport Beach
m_le_mauduit
8

Sons of the beach

C'est un soap qui se distingue aisément de ses pairs (Beverly Hills & co). Un cocktail idéal, mélange du meilleur de Once & again et de My so-called life avec une touche de glamour et d'irréel...

le 5 juin 2011

8 j'aime

Volte/Face
m_le_mauduit
9

Son chef-d'oeuvre américain

Le meilleur film, et de loin, de la période hollywoodienne de John Woo. Un éventail de références à sa filmographie hongkongaise , film dialogique, mille-feuille mêlant virtuosité des scènes d'action...

le 4 juin 2011

7 j'aime

1

Séance
m_le_mauduit
8

Critique de Séance par m_le_mauduit

On a aimé Kairo, pas pour son envergure prophétique un brin plombante mais pour sa mise en scène horrifique, ses apparitions soudaines de spectres. ici peu de moyens pour un film d'épouvante à la...

le 28 juil. 2012

6 j'aime