En attendant Miller

Ce film bénéficie d'une aura particulière qui ne s'est jamais démentie. Pourquoi?

D'abord, il raconte une histoire universelle. C'est l'histoire du type qui se lance à l'assaut de l'ennemi en criant "suivez-moi", qui se retourne et découvre qu'il est seul. C'est l'histoire du résistant, des lâches et des collabos. C'est l'histoire du délégué syndical qui voulait défendre ses collègues...Bref, nous connaissons tous cette histoire et la comprenons.
C'est aussi l'histoire du méchant dont la réputation fait peur. Là aussi, c'est une histoire universelle. C'est l'histoire de Daesh dont les combattants sont précédés d'une réputation de sauvagerie qui fait fuir des adversaires peu motivés...

C'est aussi l'occasion pour Zinnemann de casser les codes du western et de tout le cinéma hollywoodien. Le citoyen américain n'est pas toujours un héros irréprochable. La majorité est composée d'individus faibles et lâches. John Wayne trouvait ce film anti-américain.

Mais surtout, c'est la construction du film qui crée une tension croissante avec le temps qui passe dans l'attente du train, les horloges en plans de plus en plus gros, les soutiens qui se défilent les uns après les autres avec les meilleures raisons du monde, un héros qui a peur mais qui serait le seul à paraitre lâche s'il renonçait. Il est engagé personnellement, le sait et n'a pas vraiment le choix.
Il y a des choses qu'un homme doit faire.

Alfred Hitchcock a la réputation d'être un maitre du suspens. Fred Zinnemann en est un autre. Certaines scènes de ce film ont inspiré de nombreux cinéastes, comme Howard Hawks ou Sergio Leone, mais aussi l'univers de la BD avec Morris.

La musique se montre particulièrement ironique avec "glory glory allelujah" qui accompagne en fond les désistements "glorieux" des habitants de la ville.
Mais elle est aussi tragique avec la fameuse chanson composée pour l'occasion par John William (Ernest Armand Huss de son vrai nom, un français.), "Si toi aussi tu m'abandonnes".
A chaque défection, on entend le refrain, d'abord faible... puis plus fort... puis avec les paroles du premier vers... puis deux vers... puis trois... toujours plus fort...
Toujours plus seul!

Si toi aussi tu m'abandonnes
Ô mon unique amour, toi !
Nul ne pourra plus jamais rien, non, rien pour moi !
Si tu me quittes plus personne
Ne comprendra mon désarroi...
Et je garderai ma souffrance
Dans un silence
Sans espérance
Puisque ton cœur ne sera plus là !

C'est la cruelle incertitude
Qui vient hanter ma solitude !
Que deviendrai-je dans la vie
Si tu me fuis... ?
J'ai tant besoin de ta présence
Tu restes ma dernière chance...
Si tu t'en vas, j'aurai trop peur...
Peur... de ne plus vivre une heure !

Si toi aussi tu m'abandonnes
Il ne me restera plus rien
Plus rien au monde et plus personne
Qui me comprenne
Qui me soutienne
Ou qui me donne simplement la main !
Attends ! Attends ! Attends ! Demain.

http://www.dailymotion.com/video/xihl76_si-toi-aussi-tu-m-abandonnes_music

Un récit simple, linéaire, puissant.