On dit qu’il s’agit du dernier film du padre Miyazaki – figure quasi religieuse dans le monde de l’animation, mais rien n’en est moins sûr (dixit un producteur qui se la joue mysterious). En revanche, on lit ci-et-là qu’il s’agit de son film le plus sombre et le plus mature, et ça c’est pas des cracks.
Drôle d’idée que le studio Ghibli a eu d’adapter la vie du concepteur des avions Mistubishi « Zéro » en long-métrage, mais finalement pourquoi pas : étrangement, l’entreprise tient debout. Le vent se lève sonne, oui, comme le testament d’un artiste vieillissant : terriblement nostalgique, plein des obsessions qui ont parcouru ses œuvres (l’aviation, la guerre, la détermination d’un individu à croire en ses rêves blablabla), il est aussi et surtout un ravissement audio-visuel de tous les instants. Audio par la musique, oui, les langues qui se mélangent (on entend des bouts de français, d’allemand, d’italien au milieu de cette litanie de kanjis déclamés) et plus encore dans les bruitages, tous effectués à la voix humaine. Visuel car, comme à son habitude, et peut-être plus encore aujourd’hui – alors que sonne le glas d’une impressionnante carrière – Miyazaki a fait de son film un enchantement graphique de tous les instants. Putain la scène du tremblement de terre, les plans d’ensemble du paysage ou juste la pluie qui tombe, c’est diablement beau. L’animation n’a rarement été aussi fluide, aussi flamboyante de couleurs et de nuances. A cet égard, et à plusieurs autres, Le vent se lève est une réussite incontestable.
Un chant du cygne auquel manque une pointe de fantaisie, cette fantaisie qui a traversé ses œuvres au fil des décennies et qui a donné à Miyazaki ses gallons d'orfèvre de l'imagination. Assurément mature et résolu, on sent un apaisement certain dans ce film, alors même que son cinéma n’avait jamais été aussi dramatique et réaliste. Abordant frontalement des sujets sensibles (la maladie, la guerre), il délaisse pour une fois la nature qu'il a si souvent sublimé pour se focaliser sur une autre : la nature humaine, où il laisse s’exprimer sa sensibilité sans embarras, notamment à travers la romance amère qui intervient dans la deuxième moitié du film. Vous pensiez vous taper 2h d’avions de chasse, hé bien non, place à la love story. Un amour pudique et attendrissant, qui montre une nouvelle facette d’un Jirō (aka notre héros) premièrement un peu fade.
Alors, comme toujours, certains y ont vu un débat idéologique qui n’a pas forcément lieu d’être (wesh le pacifisme) et qui s’avère – dans l’absolu – tout aussi fumant que les clopes que les personnages s’enchainent tout au long du film (et c’est con, mais dans un film quand même un peu produit par Disney, j’applaudis l’impertinence). Hayao Miyazaki tire donc (askiparaiiiii) sa révérence sur ce bel objet, auquel manque peut-être - ironiquement - une brise de lyrisme, lyrisme qu’on retrouvera tout de même au travers de quelques séquences de rêve fort réussies. Car avant d’être un film sur les avions, sur la guerre ou encore sur l’amour, Le vent se lève est avant tout un film sur les rêves – et sur la nécessité d’y croire (ceci n’est pas une pub Adidas).
Tout finit mal mais comme le dit si bien la dernière phrase : « Viens chez moi, j’ai du bon vin ».
Donc tout n’est pas perdu, et long live Ghibli.
Allez, sayōnara Monsieur !