Le Vent se lève par avisdupublic_ne
Pour tirer sa révérence Hayao Miyazaki a fait le pari de nous surprendre. Il continue à explorer son art, à questionner sa créativité. Narrant, là où il avait l’habitude de nous conter, la vie de Jiro Horikoshi cet ingénieur en aéronautique passionné dont le génie explosa pendant la seconde guerre mondiale.
Le vent se lève est à bien des égards déconcertant. Miyazaki nous surprend tant dans la narration, la mise en scène que sur le sujet de son film. Déroutant tant il rompt avec la magie et le fantastique avec lequel il nous avait tant séduit et transporté, passant d’une symbolique universelle à une représentation très personnelle. Dans cette oeuvre testamentaire, il livre ses réflexions les plus intimes comme la contradiction entre sa passion pour les avions et son antimilitarisme. Il partage avec son héros sa myopie et sa dévorante passion dont il fait l’un des grands questionnements du film. C’est également un film sombre et déstabilisant, le contexte bien réel renforce le dramatique porté par une certaine lenteur dans l’avancée de l’action et une musique lancinante presque oppressante par moments. « Le vent se lève… Il faut tenter de vivre » le vers de Paul Valéry plane comme une menace presque actuelle.
Bien que l’on soit loin du conte, Miyazaki marie avec subtilité réalisme avec rêve et poésie. Jonglant à merveille entre légèreté et gravité. Il nous transporte du bout de ses pinceaux dans ce rêve d’envol, cette adoration du vent qu’il fait merveilleusement vivre, de la brise à la tempête, faisant vibrer la moindre feuille, s’envoler les chapeaux et décoller les avions. Parfois très contemplatif tant les dessins,toujours sublimes, ressemblant parfois plus à des tableaux qu’à une animation, il pousse le spectateur à la réflexion. Ainsi il nous emporte avec lui dans ses interrogations à travers des personnages attachants et une ambiance douce amère portée par les graphismes et la musique de Joe Hisaishi. Il nous surprend également par cette touchante histoire d’amour avec Naoko, il est là encore où on ne l’attendait pas.
Cet adieu divisera très certainement les amateurs car le virage opéré ici peut décevoir. Mais il est aussi très impressionnant et très touchant quand on sait que ce sera le dernier. Et au delà des débats idéologiques que certains ont pu y voir, il représente l’homme dans toutes ses facettes complexes, parfois contradictoire. A 72 ans, Miyazaki ne manque pas d’audace, bousculant les traditions Ghibli comme un message pour ses héritiers. Ne me copiez pas, innovez!