Leading Lady Parts
7.6
Leading Lady Parts

Court-métrage de Jessica Swale (2018)

"Jouer le rôle de sa vie ..."


Sans nier l'absurde de ce court-métrage qui ne manque pas d'intérêt, force est - tant qu'on le peut encore ! - de s'indigner devant cet amas - que dis-je, cet amas ! Ce fatras ! - de stéréotypes, que la seule observation de bien des films des années 10 aux années actuelles peut démentir.


Signé en cours par le leitmotiv de la femme commençant une réplique et stoppée nette lorsqu'elle parle d'avoir "une chance de s'exprimer": la sempiternelle "parole libérée" made in Me Too ...
Signé en fin par une seule réplique, celle d'une femme refusée pour un rôle de protagoniste féminin au profit d'un homme et qui déclare à son amie - comme par hasard aussi infortunée qu'elle - au téléphone: "Yes ! Me too ... me too" ...
... ce métrage sombre dans le grotesque (sous ombre d'absurde) de la désormais incontournable dénonciation du masculin (généralement qualifié de "toxique") et du vilain Patriarchat (sans doute de droite, quoiqu'il en soit masculin, esclavagiste et conservateur), qui n'a d'égal que le SPECTRE de James Bond.
Car on accuse les femmes non solidaires de Me Too de se faire les alliées du croque-mitaine phallocrate.
Car on accuse le cinéma de ne s'intéresser qu'aux fesses, aux tailles fines, aux demoiselles en détresses et, évidemment au caucasien !
Pour changer !
Autant de critiques aussi fausses que datées que contre-productives, détournées histoire d'éviter une censure inexistante. Et fait est pourtant que les partisans de la Metoorie auraient mieux fait de se censurer ici pour éviter de s'auto-dénoncer. Car ce qu'ils condamnent sans le savoir, ce sont les poncifs de la série B (que leur mauvaise foi fait assimilée à la série X), à laquelle ils pourraient préférer la série A. Mais la série A ne rémunère ni ne fait connaître, n'est-ce pas ?


Aussi donnons aux participantes leurs chances de s'exprimer: voyons si, vraiment, les "victimes" de cette farce sont de réelles victimes:
- Emilia Clarke s'est fait connaître pour son rôle de Mère des Dragons de Game of Thrones - soit une femme naïve et soumise qui va se libérer dès les premiers épisodes pour devenir la Suprême dirigeante d'un peuple de musclors body-buildés - puis pour celui, repris à Linda Hamilton et Lena Headey (soit de deux femmes fortes des trois décennies précédentes) de Sarah Connor. Pas de femmes éternellement faibles, soumises, uniquement potiches et sexy à l'horizon ...
- Felicity Jones, que certains pionniers ont connue comme moi pour son rôle de lady cambrioleuse dans Dr Who, que l'on connaît majoritairement pour son rôle d'héroïne sauvage et guerrière de Rogue One ... On est loin des stéréotypes incriminés par le court-métrage ...
- Lena Headey - tiens, la revoilà ! - qui n'a rien à reprocher au système et qui donne dans le "cantonné au rôle de mère". Voilà qui fera plaisir à Nick Nolte, John Voight, Omar Sy, et bien d'autres hommes que l'on cantonne de plus en plus au rôle de pères ... et que dira Christopher Plummer !
- Florence Pugh, l'héroïne très féministe de plusieurs productions en vogue, dont on devine qu'elle milite contre ce que les youtubeurs, peu avares en néologismes, nomment la grossophobie ... un mal, si mal il y a, qui ne la concerne guère ...
- Stacy Martin, qui ne cesse de jouer et de réussir qu'à l'aide de sa plastique et qui vient cracher dans sa propre soupe ...
Cela sans parler de bon nombre de starlettes en manque de réussite qui y vont de leurs doléances puériles et paranoïaques, sans parler de Gemma Arterton (vous savez, la version femme forte de Gretel, ex-bad girl de St Trinian's) et de Catherine Tate (soit le plus complexé des compagnons féminins du Docteur) ...


Restent deux points intéressants mais qui sont eux-mêmes victimes de cette pseudo-dénonciation de la condition des femmes au cinéma.
D'abord la satire juste et bonne des décisionnaires quel que soit leur sexe et leur couleur (en effet, sauf erreur de ma part, Anthony Welsh, qui interprète l'un des membres du jury d'audition, n'est ni transsexuel ni en train de se faire opérer pour ressembler à Michael Jackson). Des décisionnaires qui tiennent les cordons de la bourse et les lient ou délient au gré de leurs délits et lubies. Des décisionnaires prétentieux, infatués d'eux-mêmes, jugeant souvent des êtres plus doués qu'eux sans reconnaître leur(s) talent(s) et ce, avec un manque criant de lucidité ou ne serait-ce que de psychologie. Une satire juste et bonne qui devrait être la seule à être privilégiée ici, tout comme le côté tyran de l'industrie du cinéma d'Harvey Weinstein eût dû être mis plus en avant lors de son exécution médiatique que ne l'a été son côté mufle voire violeur, au profit de l'ultra-féminisme nombriliste seul.
Ensuite, la critique - sans doute involontaire - du "reroll" ambiant, si l'on me passe ce barbarisme et cette métaphore vidéo-ludique. Ce dernier point m'a longtemps fait hésiter quant à l'interprétation de ce film, y cherchant une ironie, une inversion de la critique facile et misandre. Il n'en n'est rien hélas ! Si l'on voit Tom Hiddelston camper les Mary Poppins (pour rappel, ce personnage est encore jouée par une femme aujourd'hui), c'est moins pour dénoncer la dénaturation de genre ou d'ethnie de personnages mythiques pour une soi-disant bonne cause que pour critiquer le succès insolent des hommes, succès avoisinant ici le fantasme fanatique, qui n'est pas sans rappeler la critique de certaines hégémonies plus ou moins fictives et les fantasmes qu'elles ont pu susciter. Et c'est là que la condamnation du masculin se fait la plus stupide: les baronnes de Me Too ou de Time's up! s'imaginent toujours en Grèce antique, où l'on ne laissait jouer que les hommes et où ces derniers jouent des rôles de femme ... Bienvenue au XXIe siècle, Baronnes, pour vous renvoyer l'invitation !
Que l'interprète de Loki - comme Pierre Ninney chez nous - joue les minets pour s'acheter un brevet d'homme charitable, une conscience de bobo britannique ! Bien lui fasse ! Ou mal, tant sa Mary Poppins rappelle l'insupportable Mrs Gulch du Magicien d'Oz !


Ne valant guère mieux donc que les pseudo-documentaires qui expliquaient aux bonnes gens sous l'Occupation combien le juif, semblable au rat, était nuisible et complotait pour envahir le monde, Leading Lady Parts n'a aucun intérêt.
Pire, il en a mais cela se perd dans le fatras d'idées stupides et contradictoires, fier de s'achever sur un magistral "Me too, Me Too".
Je souhaitais au départ tourner le film en ridicule, en le réécrivant ici dans une version symétriquement inversée. Mais la chose est trop grave. Je ne m'abaisserai pas à donner dans cette ironie de trublion malsaine, dans cette haine contenue, dissimulée sous le masque du rire.
Pour rester dans la constatation de la condition humaine - seul but réel de l'absurde qui ne stigmatise personne et conçoit l'humain comme humain - je répondrais à cette nouvelle forfanterie du politiquement correct (ou quel que soit le nouveau nom qu'il se donne) avec ces mots si justes d'Étienne Daho, pourtant pas reconnu pour être le philosophe du siècle:


"... Sache que du berceau à la tombe, c'est dur pour tout le monde".

Frenhofer
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le 21 mai 2020

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