Pas de compote, veuillez mâchez les morceaux...

Ce film est pour moi une madeleine de Proust que j'ai regardé plusieurs dizaines de fois, appréciant les acteurs (surtout Natalie Portman et Gary Oldman), la musique (Eric Serra, Sting), la réalisation avec les plans larges de la little Italy et ceux plus intimistes avec le duo dans les pièces délavées et impersonnelles... et surtout avec l'absence d'une fausse pudeur entre deux personnes en détresse, mentalement à part et que tout oppose. Sans cette psychologie, ce film n'aurait pas eu le relief qui fait de lui un film marquant et n'aurait rien eu de plus qu'un film d'action compote mixée-prédigérée, plat, sans enjeux, avec le héros et la petite fille à sauver.


Je suis peut être pas très objective quant à la critique de ce film, mais il a de grandes qualités qu'il ne faudrait pas ignorer, ou déformer en vice. La pédophilie dont on l'accuse parfois est une chose trop importante à combattre pour que l'on en fasse de mauvaises définitions.
Je me permets, modestement, d'expliquer mon point de vue sur cette question et de commettre quelques tout petits "mini-spoils" pour remettre dans le contexte :
Certaines personnes ont prétendu être choquées par la teneur "pédophile" de l'histoire. C'est peut être à cause du fait qu'elles attendent du cinéma qu'il soit le support aseptisé d'une réalité fantasmée cliniquement, dans le cadre de normes préétablies avec ce qui est convenable d'imaginer et ce qui ne l'est pas. Il y a pourtant beaucoup de valeurs ajoutées au traitement d'interactions psychologiques complexes dans une histoire qui s'y prête, lorsque c'est correctement amené.


C'est très réducteur de voir Léon comme un pédophile psychopathe. Quand on le remet dans le contexte de son existence et de sa création, on peut deviner que c'est un personnage qui semble totalement désintéressé par les "attractivités" du monde des adultes : il ne s'intéresse pas à l'alcool (il ne boit que du lait), aux cigarettes, aux drogues, à l'argent (il n'a jamais touché à ce qu'il amasse), ni à la sexualité. Cela ne fait pas de lui une personne complètement naïve, au contraire, très prudent, il a du grandir très vite, sortir de la rue et appréhender les dérives des hommes. On pourrait presque dire qu'il est inadapté socialement et qu'il a sous certains angles, l'attitude d'un enfant. Il a évidement, un emploi assez inhabituel, qui peut poser des questions sur le fait de l'enseigner à une enfant (mais là encore, entre lui apprendre avec précaution et la lâcher dans la nature, cela reviendrait à choisir entre la grippe et le choléra... mais, mettons ce point de côté).
De même, il est très réducteur de voir Mathilda comme une enfant innocente. Elle a grandit dans une famille profondément malsaine, au contact de la violence, de la drogue etc... elle a même été contrainte de se mettre dans le rôle d'une mère pour protéger son petit frère. Du haut de ses 12ans, elle est intelligente, particulièrement mature et souhaite se frotter à un monde dangereux (pour une successions de raisons abordées dans l'histoire). Elle essaye de fumer, de draguer, de se battre, tiraillée entre son enfance disparue et la vie de dure à cuire qu'elle essaye de se forger, car elle ne veut surtout pas (surtout plus jamais) se sentir vulnérable.


La rencontre donne forcément lieu à une interaction très particulière. Léon représente le sauveur quasi tout puissant pour elle, et Mathilda devient une responsabilité attachante mais déroutante pour Léon. Ce sont, d'une certaine manière, des personnes opposées en manque total de repère.
C'est ainsi que Mathilda va chercher à provoquer cet homme (de plusieurs façons), dans toute la confusion de sa situation et de l'adolescence sentimentale, avec une maladresse touchante, jusqu'à se persuader qu'elle est amoureuse de lui. Cependant, même en essayant de convaincre Léon de ses sentiments et de ses désirs, il ne va jamais y céder. (Sauf, dans une scène coupée, à cause d'une circonstance spéciale où ils s'offrent une bouteille de champagne et où Mathilda lui fait un smack. Gêné, il tentera de lui expliquer, sans la froisser, de l'impossibilité ferme d'une telle situation. Pas mal d'autres scènes ont été coupées, certaines à cause de la volonté des parents de Natalie Portman de donner à leur fille la meilleure image possible, sans qu'il soit possible d'y voir de la perversion.) Au fur et à mesure de la formation que donne Léon, il s'attache, malgré ses principes, à cette fille et en vient à la considérer un peu comme sa fille ou comme sa soeur. L'amour qu'il lui porte ici n'a strictement rien de sexuel, c'est presque l'affection désintéressé d'un enfant dans un corps d'adulte. Je pense ainsi que les personnes, voyant ce film comme un dégoutant film pédophile, on peut être mal compris la nature de leur relation et la vision des deux personnages, que personnellement je trouve exceptionnelles par leurs singularités et par le jeu des acteurs qui en font toute leurs forces. Là, il ne s'agit pas de ça.
Il va sans dire que la pédophilie est un acte absolument horrible et très grave. Peut être un jour, le cinéma pourra consacrer un film à ce genre d'histoire dans un face à face étudié, dans un but éducatif et préventif, sans banaliser ce genre de crime, comme on peut parfois le voir avec le meurtre, la torture, ou même le viol.
Ceci n'est que mon humble avis, peut être très contestable, en tant que grande passionnée de ce film.

LaMarineHard
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le 1 nov. 2017

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