Face au "Cercle Rouge", à "L'armée des ombres" ou au "Deuxième souffle", il est vrai que l'on a un peu tendance à oublier "Léon Morin, prêtre" dans la filmographie de Jean-Pierre Melville. C'est pourtant l'un des plus beaux films du réalisateur. On est loin du polar, loin de la noirceur mais on est déjà dans l'adaptation littéraire et dans l'épure. Adaptation d'un roman de Beatrix Beck, le film se passe pendant l'Occupation. Barny, jeune veuve d'un mari juif fait la rencontre de Léon Morin, un prêtre pour le moins atypique qui l'invite à passer régulièrement chez lui pour parler de religion et d'autres choses. Recevant régulièrement des femmes chez lui, Léon Morin ne laisse pas Barny indifférente, elle qui décide de se convertir alors au christianisme. Mais est-ce pour elle ou pour les beaux yeux de l'abbé Morin ? Et Morin a-t-il conscience du charme qu'il exerce sur les femmes qui viennent le voir ?


Baignant dans une certaine ambiguïté, le film ne donne pas réponse à toutes nos questions, se contentant de montrer par le biais de courtes scènes (le sens de l'ellipse du film est étonnant) comment Barny est de plus en plus troublée par Léon Morin. Filmé dans une épure la plus totale mais avec des cadres toujours soigneusement composés, le film n'évite pas d'être bavard mais bouleverse par la multitude de thèmes abordés (le désir, la foi), par l'audace de ton qu'il se permet (Barny n'ayant tout de même pas peur de confesser qu'elle se masturbe de façon détournée) et surtout par l'interprétation des acteurs, en toute simplicité, sans artifices. Si Jean-Paul Belmondo trouble dans le rôle de Léon Morin, prêtre beau gosse avec ses discours audacieux et ses manières surprenantes, Emmanuelle Riva y est tout simplement superbe en femme troublée par le désir qui l'envahit alors que la foi serait plus de rigueur. Finement écrit, magnifiquement joué, voilà bien la plus belle œuvre de Melville sur laquelle plane un souffle mystique et beaucoup de désirs, beaucoup de non-dits qui méritent d'être montrés.

Alexandre_Coudray
8

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le 27 févr. 2017

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