Le monde qui vient. Et qui est déjà là. Nous ne sommes pas tous concernés, pour l'instant, mais la tendance est là, nette et implacable. Les deux Alfred caricature les tendances lourdes du monde actuel pour mieux nous les faire percevoir, car la société reste amorphe, le plus souvent. Parce que ça ne nous concerne pas directement, parce qu'on n'y croit plus, parce que cela fait longtemps que l'on a cessé de combattre. Parce que ça semble inéluctable et qu'on parait impuissants.


On voit bien l'uberisation du monde, mais ça ne nous touche pas directement, on ferme les yeux, et c'est si pratique de prendre un uber ou de commander son macdo !!! On trouve bien que c'est con de faire des réunions uniquement en anglais, mais on n'a pas le choix, ça nous est imposé, et on a trop peur de perdre ce qu'on a : même si ce n'est pas tant que ça, c'est déjà quelque chose, alors que bien d'autres sont plus à plaindre. On sent bien qu'il faudrait réagir mais on est souvent seul, et il est alors plus facile de faire comme les autres. La révolte individuelle ressemblerait bien à un suicide, et on ne peut imaginer que les autres nous suivraient dans le refus.


Les deux Alfred nous croque gentiment ce monde qui est déjà là et qui nous concerne tous, du bas en haut de l'échelle si j'ose dire. Du coursier au cadre sup. Les situations sont différentes mais on peut parler de bullshit jobs, où le sens de nos actes et la dignité s'effacent au profit du profit, justement. Le film n'appelle pas à la révolution, il propose avant tout une description clinique de ce qui advient ou est déjà là, il vise d'abord et avant tout à nous amener à conscientiser ce qui ne va pas dans l'évolution actuelle du monde du travail. Mais il propose une touche d'espoir, car il est souvent préférable, notamment pour des raisons commerciales, de ne pas laisser le spectateur sortir de la salle complètement déprimé, et parce que ce n'est sans doute pas l'esprit des auteurs : même si l'issue du film nous montre une issue peu probable, il n'empêche qu'elle offre une perspective, un avenir moins sombre. Avant même le final, on a des personnages qui s'entraident, qui ne se démontent pas totalement, parce qu'il y a des enfants, parce que l'amour peut revenir. Ce sont ces lumières qui animent les personnages incarnés par les frères Podalydès, voire par celui joué par Sandrine Kiberlain: c'est parce qu'il y a un lien, notamment filial, que l'on va trouver les raisons de se battre. Certes c'est dans un monde darwinien où il semble falloir écraser l'autre, mais l'on entrevoit quand même des possibilités de fraternité, voire d'amour.


Bref, le film ne présente probablement pas de très grande prétention, c'est un divertissement plaisant et bien mené qui a le mérite de souligner les tendances néfastes de notre société tout en nous permettant de croire à la possibilité d'un autre monde, plus solidaire et fraternel. Ce n'est pas si mal !

socrate
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le 10 juil. 2021

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