Comme beaucoup, j'avais connu John Woo avec Volte-Face. Puis, j'ai découvert ses excellents polars hong-kongais. J'ai pas peur d'avouer que j'aime bien ce qu'il faisait.
Mais depuis quelques temps, c'était plus vraiment ça. Windtalkers constitue peut-être l'apogée de sa carrière américaine. Après ça, Paycheck fut une grosse déception.
Par contre, le retour en Chine pouvait être une très bonne nouvelle. Et que Woo se lance dans le film d'aventures historiques, comme d'autres avant lui (je pense à l'excellent L'Empereur et l'Assassin, de Chen Kaige) n'est pas vraiment une surprise : ça semble être le sort réservé aux cinéastes connus à l'internationale.

Mais personne n'a prévenu John Woo : un film d'aventures comme celui-ci ne se réalise pas comme un polar.
Il a incontestablement bénéficié de moyens monstrueux, en hommes comme en matériels. Enormément de figurants, des décors somptueux, les armures, les armes, les bateaux, etc. Mais avec sa caméra qui virevolte dans tous les sens, le spectateur ne profite de rien. A aucun moment Woo ne prend le temps de se calmer un peu pour nous montrer les paysages, des décors, faire deux ou trois plans spectaculaires, quelques panoramiques qui scotcheraient le client sur son fauteuil. Rien !
Dans son école de cinéma, le jour de la leçon sur les plans fixes, il devait être absent.
Alors, on pourrait se dire : ça sert à donner du rythme, pour que le spectateur ne s'ennuie pas.
Eh ben c'est loupé ! Ne prenant pas le temps de se poser un peu, Woo oublie de camper ses personnages. Résultat, on ne sympathise vraiment avec personne. Et on se moque un peu de ce qui se passe à l'écran.

L'histoire s'annonçait pourtant bien. L'Empereur faible, son 1er ministre fourbe qui déclare la guerre aux royaumes du Sud, tout ça se présentait vachement bien.
Sauf que le film s'enfonce dans un manichéisme caricatural : Cao Cao, le 1er ministre, est un méchant intégral, sans la moindre once d'humanité. Il n'hésite pas à employer des méthodes déshonorantes, tant qu'il gagne à la fin. Face à lui, Zhou Yu et Zhuge Liang sont des modèles : fins stratèges, sages, honnêtes, vertueux jusqu'à la moelle des os, etc. Tout ça ne fait que ruiner encore plus le peu de considération qu'il me restait pour ce film.

L'interprétation est plutôt à la hauteur (du moins pour ce que la caméra nous laisse le temps de voir). Et puis, il y a Tony Leung, donc c'est forcément bien. Mais on a vraiment l'impression d'un immense gâchis.

[à noter que je n'ai vu que la version courte, 140 minutes ; il existe une version longue, qui fait exactement le double, et d'après ce que j'ai lu, elle est nettement meilleure ; peut-être certains problèmes mentionnés ici y trouvent leurs solutions]
SanFelice
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Versions courtes ou longues

Créée

le 15 nov. 2012

Critique lue 1.7K fois

10 j'aime

17 commentaires

SanFelice

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

10
17

D'autres avis sur Les 3 Royaumes

Les 3 Royaumes
Docteur_Jivago
7

L'Illiade chinoise

Version Longue : Je n'ai pas eu l'occasion de voir la version cinéma, mais c'est tout de même révoltant de voir ce genre d'oeuvre, très ambitieuse et emmenée par un grand cinéaste, tronquée de plus...

le 12 oct. 2017

21 j'aime

8

Les 3 Royaumes
Lonewolf
10

Critique de la version longue [2 x 2H20]

Après une escapade américaine où il alterné le bon (Volte/Face, Windtalkers) et le moins bon (Chasse à l'Homme, Paycheck, Broken Arrow), John Woo est enfin de retour chez lui, en Chine. 30 ans après...

le 3 nov. 2010

20 j'aime

Les 3 Royaumes
Ugly
8

Le seigneur des Chinois

Après plus d'une décennie au pays des hamburgers, John Woo marque son retour en Chine, à la tête d'une production chinoise qui a visiblement bénéficié de gros moyens. On voit nettement qu'il a appris...

Par

le 20 févr. 2018

19 j'aime

29

Du même critique

Starship Troopers
SanFelice
7

La mère de toutes les guerres

Quand on voit ce film de nos jours, après le 11 septembre et après les mensonges justifiant l'intervention en Irak, on se dit que Verhoeven a très bien cerné l'idéologie américaine. L'histoire n'a...

le 8 nov. 2012

256 j'aime

50

Gravity
SanFelice
5

L'ultime front tiède

Au moment de noter Gravity, me voilà bien embêté. Il y a dans ce film de fort bons aspects, mais aussi de forts mauvais. Pour faire simple, autant le début est très beau, autant la fin est ridicule...

le 2 janv. 2014

218 j'aime

20

Chernobyl
SanFelice
9

What is the cost of lies ?

Voilà une série HBO qui est sans doute un des événements de l’année, avec son ambiance apocalyptique, ses flammes, ses milliers de morts, ses enjeux politiques, etc. Mais ici, pas de dragons ni de...

le 4 juin 2019

214 j'aime

32