Il était une fois de trop dans l'Ouest

Deux chasseurs de primes (Samuel L. Jackson et Kurt Russell), une condamnée à mort (Jennifer Jason Leigh) et un shérif (Walton Goggins) voyageant ensemble sont contraints de faire halte à la mercerie de Minnie pour un temps indéterminé. Là se trouvent déjà cinq autres hommes qui ne se montrent pas particulièrement amicaux. Entre les neuf, la tension va monter progressivement, jusqu'à ce que les masques tombent...


Si les films de Tarantino brillaient par leur intelligence, on serait au courant depuis longtemps. Ce n’est donc certainement pas un film intelligent que l’on cherche en se lançant dans Les Huit Salopards. On ne cherche d’ailleurs rien du tout, et ça tombe bien, puisque c’est à peu de choses près ce que Tarantino a à nous offrir ici : rien du tout.
C'est tout naturellement que l'on retrouve ici tout ce qui fait l’essence même du cinéma de Tarantino : des personnages tous unilatéralement détestables, des dialogues aussi interminables que plats et inutiles, la même caricature historique qui plombait Django Unchained par son propos anti-raciste avec la subtilité d'un éléphant dans un magasin de porcelaines, de vaines tentatives de provocation à base de violence et de vulgarité si incongrues qu’elles en sont plus drôles que choquantes…
Si le casting est honorable, comme dans la majorité des Tarantino, il trouve tout de même deux points faibles (si on oublie Michael Madsen, toujours en recherche de charisme, mais pas mauvais pour autant) à travers les personnes de Walton Goggins, au cabotinage à la limite du supportable (accentué par sa voix de castrat en VO), et Jennifer Jason Leigh, plus occupée à refaire son maquillage avec tout ce qui lui tombe sous la main (du sang, du vomi, des bouts de cervelle…) qu’à se faire passer pour une actrice. Ajoutons à cela un Ennio Morricone qui tente vaguement de s’imiter soi-même, sans réussir à tirer un thème qui égale une seule note des films de Leone, et c’est dire à quel point Les Huit Salopards appartient à cette catégorie pour le moins détestable qu'est le cinéma jetable (on regarde, on oublie, on jette).
Fort heureusement, Tarantino peut remercier encore une fois son directeur de la photographie attitré (et également celui de Martin Scorsese : parfois, on n’a vraiment pas de chance, dans sa vie professionnelle) Robert Richardson qui réussit, à défaut de rendre bon le film de Tarantino, à le rendre à peu près beau. En outre, dans la construction du film, Tarantino réussit à capter l’attention du spectateur par un jeu malin consistant à disséminer des indices dont on ne sait que faire dans l’immédiat, mais qui prennent tout leur sens au fur et à mesure que le réalisateur les réutilise dans ses flashbacks.
Cela ne compense toutefois pas certains choix narratifs catastrophiques, à commencer par une mauvaise maîtrise des flashbacks, justement : de fait, si le plus important est bien introduit, Tarantino sabote proprement son film dans la scène où Warren raconte au général sudiste ce qu’il a fait de son fils, en illustrant le récit de Warren par des images malvenues (quand on parle de fellation, c’est visiblement difficile de résister à l’envie de la mettre en images), qui ôtent toute la force du jeu de Samuel Jackson et de la tension puissante qui en découlait. De même, Tarantino nous gratifie d'un autre flashback raté, lorsqu'il revient sur l’empoisonnement du café, qui alourdit inutilement le récit, et introduit un narrateur sorti de nulle part dont la seule fonction est de nous raconter ce qu’on est en train de voir à l’écran.
C’est ce genre de procédé inutile, alliée à une durée exagérément longue pour une matière narrative aussi peu dense, qui plombe radicalement un film dont le seul mérite est de nous faire approcher d’encore un peu plus près la fin de la carrière d’un des réalisateurs les plus surestimés de l’histoire du cinéma…

Tonto
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le 11 janv. 2018

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