1 salopard, 2 salopards, 3 salopards, 4 salopard... 5 Salo... ZZZZZzzzzzZzzz


Je pense que Tarantino s'est vraiment raté avec ce film. J'aime beaucoup le reste de son oeuvre, mais là, je n'ai jamais pu accrocher à ce qu'on me montrait et ce qu'on me racontait.


D'une certaine manière, c'est l'ensemble des tendances classiques de Tarantino qu'on retrouve ici : récit en chapitres présentés dans le désordre, langues bien pendues, une "coolitude" des personnages érigée en lieu et place de personnalité... Donc si ça vous suffit, ça devrait vous plaire ! Je m'y suis retrouvé dans une certaine mesure par ailleurs.


Si certains éléments marchent bien à mon sens (certains personnages sont vraiment cool & certaines scènes sont assez incroyables: le 70mm est étonnant sur la séquence d'ouverture en plein air, les clins d'oeil à l'ambiance de "the thing" marchent bien, la séquence du repas dans l'auberge réserve de bonnes surprises, l'image est assez belle de manière générale, les acteurs très très bons pour la plupart), c'est le récit en lui même qui ne fonctionne pas du tout.


Pourquoi ? Parce que Tarantino ne sait pas raconter une enquête policière. Il veut nous présenter un mystère à la 10 petits nègres d'Agatha Christie, mais il ne peut pas s'empêcher de nous en dire trop à la fois, et pas assez.


Trop parce qu'on s'attarde sur des éléments qui vous donnent l'impression qu'on ne parle plus de fusil de Tchekov, mais de tank fait de bazookas de Tchekov, donc la ficelle est suffisamment grosse pour qu'on se prenne les pieds dedans et qu'on se pende avec.


Ainsi, qui a mis du poison dans le café ? Si l'on prend tout ce mal à nous PRÉSENTER UN NOUVEAU CHAPITRE & DIRE EN VOIX OFF & NOUS MONTRER À LA FOIS que seule Jennifer Jason Leigh a vu la personne qui l'a fait, on se rend compte que la révélation sera sûrement "hors" des cadres déjà définis, et qu'on va intégrer d'autres personnes que seules présentes dans la salle. Et ce avec une subtilité rare "ce chapitre s'appelle le secret de bidule, parce que bidule a un secret. Et ce secret de bidule, le voici..."


Pas assez parce que Tarantino utilise des révélations basées sur des connaissances qui sont uniquement connues des personnages comme ressorts de l'intrigue. Donc au moment où untel s'écrit :"je vous avais dans le radar depuis le début, je savais que votre alibi est infondé parce que ...", la révélation tombe à l'eau: comment voulez-vous que je me sente choqué, manipulé, émerveillé par les déductions du personnage s'il n'y avait aucun moyen pour moi d'arriver au même résultat ? Ce qui émerveille dans Sherlock Holmes, c'est qu'on peut reconstruire le raisonnement à posteriori, suivre les déductions & inférences de notre sleuth préféré et se les approprier.


L'exemple le plus criant de cette faiblesse du film réside dans la révélation faite par le personnage de Samuel L. Jackson sur celui de Demián Bichir : "Je sais que tu me mens depuis le début, car ... Minnie peut pas supporter les mexicains. Donc elle a pas pu te confier son auberge". Ce qui est absolument ridicule: à ce moment là, on ne sait de Minnie (on ne l'a jamais vue) qu'une seule chose: qu'elle n'est pas dans son auberge. C'est tout. C'est un deus ex que le personnage de Samuel J. en sache autant, et décide de ne pas le partager alors qu'il le sait depuis le DÉBUT DU FILM.


C'est un artifice scénaristique des plus paresseux: donner une information cruciale à un personnage, lui faire cacher cette info au reste des personnages et de l'audience, le tout dans l'unique but d'une pseudo-révélation ultérieure.


Par dessus le marché, c'est long (167mins en version classique). Et ça m'a semblé très très très long. Ce qui fait que j'en retire l'image d'un film pas particulièrement intéressant (il y a finalement assez peu d'enjeux au cours de cette enquête policière) avec certains personnages qui ne sont là que pour remplir de l'écran et du temps (ahem, Michael Madsen).


J'aime qu'un réalisateur prenne son temps, mais il ne faut pas confondre prendre son temps et perdre son temps : A part la verve contagieuse de certains acteurs & quelques scènes d'anthologie, en regardant de ce wodunit, plutôt que d'être bouche bée face aux retournements de situation, je baillais plutôt à m'en décrocher la mâchoire.

Draiv
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le 24 janv. 2019

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Draiv

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