Quentin Tarantino est un réalisateur singulier. Son œuvre est aussi ecléctique qu'uniforme. Les 8 Salopards s'inscrit pleinement dans sa filmographie. Tous les codes y sont, les références foisonnent, sans que ce ne soit qu'une redite. Les personnages sont toujours aussi amusants et le scénario intriguant, comme souvent chez Tarantino. Le tout dans une mise en forme stylisée à la sauce (giclante) habituelle du chef, accompagnée d'une bande-son encore épatante et pimentée par des acteurs incroyables. Quentin Tarantino ne se réinvente pas avec ce huitième film, mais est-ce vraiment ce qu'on demande à un artiste aussi atypique ?!


Jusque là, tous les films de Tarantino se basaient sur un genre différent. Avec Les 8 Salopards il signe son deuxième western et son deuxième huis-clos. Effectivement on pense à Django Unchained et Reservoir Dogs, mais ce n'est pas qu'un simple mash-up de ces films, c'est un florilège de toute son œuvre.
Quentin Tarantino a toujours été un cinéaste adepte des codes et des références. Ses inspirations ne sont pas toujours servies avec subtilité, ce qui lui coûte souvent d'être considéré comme plagiaire.
Dans ce nouveau film c'est de lui même qu'il s'inspire. Ici le manque de subtilité fait que les codes évoqués deviennent des auto-références. Dans chacun de ses films Tarantino partage sa culture et sa passion du cinéma à travers des références très claires à une sélection précise de films. Dans la sélection qui a nourrit Les 8 Salopards il y en a 5* qu'il a cité clairement, mais on pourrait aussi y ajouter ses 7 films précédents. C'est extrêmement prétentieux de sa part, mais ça ravira les fans, et amusera les adeptes, bref, il peut se le permettre.
En fan, j'ai aimé : les plans calqués sur Kill Bill, Samuel L. Jackson qui se fait encore avoir sur le compte de balles, le jeu avec les langues, l'inévitable flash-back, les tirades toujours aussi cinglantes, le sanguinolant encore poussé jusqu'au burlesque...


Sous ses airs de redondance, Les 8 Salopards a du nouveau.
La reconstitution du contexte historique est plus sage que sur ses deux précédents films. Contrairement à la revanche des juifs dans Inglorious Basterds et de l'esclave dans Django Unchained, l'injustice que subit Major Warren reste franchement infernale. Par rapport à Django Unchained, le mot « nègre » n'est pas du tout employé sur le même ton. Il été quelque peu désacralisé dans la bouche de Samuel L. Jackson en infâme domestique, ici ce dernier l'encaisse comme une arme acerbe et violente, toujours avec un certain humour cynique cela-dit. La lettre de Lincoln est un véritable faire-valoir pour son personnage de Major Warren, la révélation de la tromperie est symbolique d'une rupture dans l'angle du propos pour Tarantino. Quoique sa tirade dont est tirée le titre de la critique dément quelque peu cela, elle retourne la position de force à la façon Inglourious Basterds et Django Unchained.
Même si on remarque toujours la bande-originale dans un film de Tarantino, il reste quelque chose d'étonnant dans chacune d'elles. Il va de soit que ce n'est pas Ennio Morricone qui déroge à la règle. Sa musique alimente l'ambiance pleine de tension. En complément, une digression délicieuse sélectionnée chez les White Stripes et une performance fragile mais non-moins belle de Jennifer Jason Leigh.
L'ambiance visuelle aussi est assez saisissante dans Les 8 Salopards, non-pas qu'elle soit originale, quoique chez le cinéaste si, mais la photographie enneigée et panoramique est fabuleuse. Le spectacle dans sa version la plus originale (projection pellicule 70mm) est evidemment plus pure, mais même dans version numérique il y a un grain d'une beauté extraordinaire. Une fois le décors planté le film se ressere d'abord dans une mise en scène très sobre et calibrée, pour se libérer et se déchainer finalement. L'enferment des personnages participe totalement à la violence de l'explosion finale. Il y a un jusqu'au-boutisme dans le burlesque du gun-fight final (Django Like) assez inédit et franchement drôle, mais pas très esthétique (les ralentis de Michael Madsen et Samuel L. Jackson)
Le scénario est plein de ficelles classiques, mais au final l'intrigue reste assez captivante et garde des éléments de surprises. A la deuxième vision on s'intéresse à voir la réaction des personnages, comme regarder les cartes des joueurs à une partie de poker. Comme avec Inglourious Basterds, le scénario n'est pas totalement abouti. Il y a notamment l'identification des membres du clan Domergue qui manque de naturel ou de cohérence.


De ce 8eme Tarantino on retiendra sûrement le casting. Les dialogues et les tirades sont délicieusement écrits certes, mais l'interprétation est parfaite. Une pallette de plus de 12 salopards tous aussi truculents les uns que les autres. Même les apparitions de Zoë Bell et Channing Tatum sont géniales. Walton Goggins et Demian Bichir sont hillarants. Jennifer Jason est la révélation du film. Elle campe la folie et la grossiereté avec une spontanéité déconcertante.


Les 8 salopards n'est pas le film le plus abouti de Tarantino, ni le plus inspiré, mais c'est un nouvel épisode totalement réjouissant et captivant dans l'univers du cinéaste.
- Nobody said it's supposed to be that hard, either!



  • Sélection de 5 films à voir avant Les 8 salopards donnée par Quentin Tarantino : The Thing, Le crime de l'Orient-Express, Hombre, Khartoum, La Horde Sauvage.

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le 10 janv. 2016

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Adam Kesher

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