A une époque, je serais allé dès le premier jour voir le dernier Tarantino. Pulp fiction est une œuvre qui a joué un rôle clé dans la naissance de ma cinéphilie. Mais j'avais été dégoûté par Django, et sans avoir revu ses films depuis, je me demandais si j'aimais toujours Tarantino. J'ai dû un peu me forcer pour aller voir The hateful eight.


Un chasseur de prime accompagnant une prisonnière croise la route d’un confrère et d’un futur sheriff, quelques frictions se créent lors de leur trajet en carriole, mais en raison d’un blizzard, ils se retrouvent coincés ensemble dans une mercerie au milieu de nulle part, avec d’autres hommes armés.
Un point de départ intéressant, d’autant plus que les personnages sont assez hauts en couleur et interprétés par des acteurs qui semblent s’en donner à cœur joie. Le huis-clos dans la neige n’est pas sans rappeler un autre film avec Kurt Russell, The thing, dans un autre genre. Ici aussi, les héros savent qu’ils ne doivent se fier à personne, la suspicion s’installe… mais sans la tension. C’est beaucoup trop mou pour ça.
Il y a les gens qui aiment s’entendre parler, Tarantino est plutôt du style à aimer ses acteurs réciter son texte, aussi creux puisse-t-il être. Il fut un temps où Tarantino faisait des dialogues intéressants, incluant un propos aux conversations d’apparence banales. Dans The hateful eight, c’est du remplissage, ça traîne inutilement, ça radote même (toutes ces répétitions sur la lettre de Lincoln).
Et même s’il y a des situations intéressantes, des moments de mise en scène pas mal, et que Samuel Jackson a toujours une sacrée présence, ça traîne de trop quoi qu’il arrive… quitte à perdre en crédibilité (le type planqué qui intervient qu’une fois que Jackson a fini la longue explication de son raisonnement…)


Tarantino est devenu très suffisant, et ses films deviennent des parodies de ce qu’il faisait. Il m’a saoulé avec sa complaisance à placer "nigger" à tout bout de champ, il le faisait déjà avant mais maintenant qu’il fait des films se déroulant à une époque aux mœurs différentes, il se lâche.
Ensuite, le cinéaste ressort ses gimmicks favoris sans qu’ils n’aient vraiment d’utilité. Le chapitrage ne sert absolument à rien. Le récit non chronologique, avec ce gros flashback au milieu du film, est un simple procédé qui sert à enjoliver du vide, car on n’apprend rien dont on n’aurait pu se passer par ce retour en arrière.
La représentation de la violence m’a aussi gêné. Tarantino est une des cibles préférées des media quand il est question de dénoncer la violence au cinéma, et on dirait que la seule solution qu’il ait trouvé pour donner l’idée que la violence dans ses films n’a pas d’impact, c’est en faire des tonnes. Or l’excès présenté par The hateful eight ne colle pas pour moi avec le genre du film, qui reste très terre-à-terre tout du long, et ne devient délirant que lorsqu’il s’agit de faire jaillir 10 litres de sang. Ca nuit à la dramaturgie en dédramatisant les décès, qui auraient bien plus d’impact, dans ce contexte sérieux, en étant traités de façon plus crédible (un des films vus récemment dont la brutalité m’a le plus frappé c’est Police fédérale Los Angeles, alors qu’il y a très peu de sang), mais en plus ça fait passer le mauvais message en cherchant à rendre comiques des morts dans un film à l’atmosphère si premier degré. Si le film était ouvertement comique et délirant, si c’était du Braindead, ça aurait été justifié.


Alors The hateful eight se laisse regarder, il y a encore de bonnes idées, mais plombées par le reste. Tarantino, emporté par son succès, fait un peu tout ce qu’il veut. Et ce n’est pas une bonne chose.

Fry3000
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le 21 janv. 2016

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Wykydtron IV

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