Peckinpah Hardcore
Le film va diviser... Encore plus que d'habitude pour du Tarantino, mais sur le plan moral essentiellement, là où les précédents Tarantino décevaient également sur la forme, avec des films...
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Qu'il est agaçant ce Quentin Tarantino ! Toujours le même et pourtant, jamais tout à fait là où on l'attend... Après le succès de Django Unchained, voilà qu'il récidive en nous présentant un nouveau western. Avec un titre accrocheur qui n'est pas sans rappeler les classiques du genre, le cultissime Ennio Morricone à la bande originale, de grands espaces enneigés en toile de fond et des cowboys patibulaires dans la bande annonce, il semble jouer à fond la nostalgie du Far West... On aurait bien tort de s'y fier !
Car le réalisateur prodige a acquis à force de succès critiques comme populaires, une liberté que beaucoup doivent lui envier à Hollywood. Celle de prendre son public à contre pied. Car il ne s'agit pas là d'un nouveau Django, c'est même l'anti-Django. Pour rappel, ce précédent film présente une structure narrative plutôt classique, celle d'un héros, esclave affranchi, qui affronte dangers et vrais méchants (le splendide Di Caprio en maître esclavagiste) pour sauver sa dulcinée. Malgré la violence et le cynisme de certaines scènes (on est quand même chez Tarantino hein !) le propos est résolument optimiste. Il s'agit d'une ode à la Liberté, valeur américaine sacrée entre toutes, superbement incarnée par la chanson "Freedom" de la bande originale. Le film finit bien, la morale est sauve. L'Amérique aussi.
Il en est tout autrement avec ce Hateful Eight. Aucune pureté originelle dans cette Amérique des origines, si ce n'est le blanc immaculé de la neige. Très vite d'ailleurs, les grands espaces vierges laissent place à l'intérieur étroit de la Mercerie de Minnie, aussi sombre et étriqué que les hommes et la femme qui s'y trouvent coincé par le blizzard. Car ces 8 Salopards, comme le veut la traduction française, n'ont absolument rien de sympathiques : moches, hargneux, cupides, orgueilleux, menteurs, violents et racistes, ils incarnent une sorte de concentré de tous les vices américains. Aucun pour rattraper l'autre, tout le monde en prend pour son grade : les cowboys et les juges, les shérifs et les bourreaux, les sudistes et les yankees, les hommes et les femmes, les blancs et les noirs, sans oublier les mexicains ! Jamais Tarantino n'aura développé une critique aussi acerbe et désabusée de son pays, crachant sur tous ses mythes fondateurs, à l'image de cette lettre d'Abraham Lincoln souillée d'un glaviot sanguinolent dès le début du film.
Au service de cette dénonciation, un scénario et une mise en scène tout aussi déroutants. On s'attend à des scènes d'actions et des attaques de diligences dans la plus pure tradition western : Tarantino nous fait brièvement miroiter de grands espaces avant d'enfermer tout le monde dans un huis-clos aussi cloisonné qu'un vaudeville. On pense avoir compris le truc et on passe en mode "polar" à la Agatha Christie, cherchant les indices et attendant un "twist" final : il nous prend encore une fois à rebrousse-poil en dévoilant l'intrigue dans une scène sortie de nulle part qui vient tout expliquer alors qu'il reste quarante minutes de film. Ainsi, dans une mise en abîme savamment orchestrée, Tarantino joue avec ses spectateurs, créant du théâtre dans du théâtre, à coup de grosses ficelles et d'effets parodiques assumés (ralentis exagérés, effusions d'hémoglobine ou encore titres façons film muet), aussi manipulateur et vicieux que ses personnages !
Il y a certainement une bonne dose de snobisme dans ces choix scénaristiques. Beaucoup de spectateurs ont été déçus, regrettant le manque de rythme et critiquant des dialogues interminables. En ce sens, ce dernier opus est à rapprocher de Deathproof, qui lui aussi avait reçu un accueil mitigé du public. Le pari est risqué. En effet, puisque ce n'est ni pour l'action ni pour le dénouement final qu'on va voir ce film, quel est son intérêt ? Eh bien, justement on y va pour ses dialogues absolument savoureux, portés par des acteurs au talent incroyable (d'ailleurs je suis sûre que Tarantino pourrait sortir un film rien qu'en filmant Samuel L. Jackson en train de parler). Pour toutes ces scènes et phrases déjà cultes qui vont sans nul doute entrer dans l'histoire du 7 art. Et enfin et avant tout pour cet humour noir, corrosif, jubilatoire. Celui qui conduit à rire d'un coup de coude en pleine face, d'un viol ou d'une pendaison. Autant dire qu'il faut avoir le second degré solide ! Si vous l'avez, foncez cracher sur l'Amérique avec tonton Quentin. Ça devrait vous plaire.
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le 22 janv. 2016
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2 commentaires
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