Les adieux à la Reine clôt une trilogie sur plus d’un siècle d’histoire avec L’Apollonide et Les Chants de Mandrins. Curieusement on y retrouve des acteurs qui ont certains points communs avec ces deux autres films, comme Jacques Nolot, qui fut un temps aristocrate pro-révolutionnaire chez Zaïmeche, puis un habitué du bordel de Bonnello, ou encore Noémie Lvovsky, maquerelle chez le même cinéaste. Lorgnant du côté de Visconti (Le Guépard, 1966) et disons-le, de Welles (La Splendeur des Ambersons, 1946). Benoît Jacquot s’appuie avec insistance à montrer un Versailles pourrie de l’intérieur ; l’odeur, les moustiques, les rats qui ont envahi les marais, on est loin du château magnifié par Sofia Coppola dans Marie-Antoinette (2006). C’est un Versailles de l’underground que l’on découvre, un dédale de sous-sols décrépis où les serviteurs s’y bousculent et fuient, justement comme des rats. Des rats prêts à quitter le navire, celui du Titanic français à deux doigts de sombrer, reflet d’une caste en pleine dégénérescence qui, comme de nombreuses tours de Babel, est prête à s’effondrer et à disparaître.
On connaissait l’ivresse de Jacquot pour la littérature et les femmes. C’est avec les Adieux à la Reine qu’il nous offre son plus beau regard sur la gente féminine. Léa Seydoux (Sidonie), Diane Kruger (Marie-Antoinette) et Virginie Ledoyen (Gabrielle de Polignac) sont d’une prestation noblement gracieuse. Les trois actrices qui dégagent une fascination des plus charnelles permettent d’oublier le jeu grotesque d’un Xavier Beauvois qui ressemble plus à un Caradoc, qu’à un roi sur le point de perdre sa tête.
Le personnage de Sidonie est sans conteste l’un des plus admirables de la filmographie de Jacquot. Tout à la fois inquiète et courageuse, elle affronte avec dignité la chute d’un monde, le sien. Toute la beauté diaphane de Léa Seydoux se révèle lorsque la reine lui demande de prendre la place de sa favorite, la duchesse de Polignac, afin qu’elle puisse fuir le pays sans risque. Sacrifice consentie par Sidonie. Véritable groupie avant l’heure, elle ressemble à une Alice fascinée par sa reine de cœur, prête à tout pour elle, allant jusqu’à perdre son identité, voire peut-être sa tête.
Il y a une certaine urgence dans la manière de filmer de Jacquot, ses mouvements de caméra à l’épaule, recadrés par des zooms captent avec adresse des sentiments plus vrais que nature. La scène d’adieu entre la reine et la duchesse de Polignac est une somptueuse ballade verlainienne sur les visages des deux actrices où les larmes en viendraient presque à couler sur l’écran. Il en va de même avec cet audacieux plan séquence filmé dans les sous-sols du château que Sidonie arpente de fond en comble glanant des informations destinées à savoir ce que risque sa dame bien-aimée. Benoit Jacquot qui utilise pour la première fois le numérique, dresse le portrait d’une société archaïque qui ne peut que s’incliner face à une autre bien décider à entrer dans la modernité.
victorlazlo
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le 19 juil. 2012

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le 19 juil. 2012

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