Un superbe scénario entièrement ruiné par une interprétation ennuyeuse. Les rôles étaient immenses, les actrices ne le sont pas. Léa Seydoux, Lolita Chammah et Julie-Marie Parmentier semblent sorties d'une énième production auteuriste narrant les aventures d'étudiantes BCBG d'une prépa littéraire parisienne, et Virginie Ledoyen reste purement décorative. Il faut insister par ailleurs sur cette manie insupportable qui est en train de devenir une convention dans le cinéma français : la majorité des comédiennes n'articulent pas et expulsent leurs textes avec la volonté apparente d'être inaudibles ; leur présence dans le film est un anachronisme saisissant. Ce film d'époque exigeait un travail sur la diction qui a soigneusement été esquivé ; Diane Kruger a de beaux moments, mais elle semble lutter en permanence contre ses dialogues, ce qui l'empêche d'exprimer la moindre passion. Seul Michel Robin, dans le rôle savoureux de Jacob-Nicolas Moreau, semble à sa place, et donne brièvement l'illusion d'une vérité. Il s'agit là d'un rôle parfaitement distribué et idéalement incarné.

Il y a un somptueux travail sur les costumes (de Christian Gasc ; il est difficile d'oublier la robe verte de Mme de Polignac), les lumières (les scènes de nuit se déroulant dans les corridors du château sont de pures merveilles), les maquillages et les coiffures (dans les scènes de groupe, on peut distinguer, en arrière-plan, des marquis et des baronnes poudrés et perruqués, dont on arrive à deviner l'histoire personnelle). Le tournage s'est déroulé à Versailles, et cela se voit, se sent. L'agencement des couleurs, des tissus et des accessoires donnent au film une texture presque sensuelle, qui tente de compenser les faiblesses de jeu et le manque d'excitation de l'ensemble. La beauté languissante des parures et des pierres précieuses attire et retient notre regard. Mais ces splendeurs visuelles sont les seuls éléments tangibles auxquels on peut s'accrocher ; face à certaines scènes qui, sur le papier, devaient être puissantes, on ne se dit pas : « quelle force, quelle émotion ! », mais plutôt : « quelle belle étoffe...quels bijoux ravissants ! ». Benoît Jacquot a su donner une certaine harmonie à sa mise en scène (sa caméra nous mène dans les méandres des couloirs et des antichambres ; le spectateur est au cœur de « l'action »), mais ces mouvements tournent à vide et ne mènent jamais très loin (le film se clôt sur une note trop abrupte et, fait rare dans le cinéma français, aurait mérité un traitement plus long).

On sort de la projection avec le désir de voir la postproduction du film repartir de zéro, pour ne pas gâcher le potentiel d'une histoire si passionnante.
Frankoix
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le 28 mars 2012

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