Un mélo, c'est dur. Je veux dire critiquer un mélo. Critiquer, c'est faire le malin, dire aux lecteurs (éventuels, voire virtuels) ce qu'ils doivent penser, et même parfois dire au réalisateur, au directeur de la photo, aux acteurs ce qu'ils auraient dû faire, comme si on connaissait cette vérité là.
Et si c'est facile quand c'est une bouse (Les Petits Mouchoirs, au hasard) ou si c'est une splendeur ( Douglas Sirk, toujours au hasard, ou Miracle en Alabama de Penn), c'est plus compliqué quand on sent la sincérité de l'équipe mais qu'on ne peut s'empêcher d'émettre des réserves. C'est le cas ici, et le risque, c'est de prendre des gants, de s'abriter derrière le cynisme, pour cacher son petit côté naïf et fleur bleue. A t'on été dupe, pris en otage d'émotions préfabriquées, ou a t'on eu raison de trouver ce travail honnête et juste ?
Je ne connaissais pas Mélanie Laurent, ni l'actrice, ni la chanteuse, ni la réalisatrice. Donc pas d'à priori. Du coup, j'ai apprécié les acteurs (tous, même le gamin et çà, c'est bon signe) et les personnages, qui m'ont paru bien écrits et crédibles et vivants.
Même la photo pourtant parfois maladroite, voire irritante par instants (je ne reviens pas sur les fonds flous dont tout le monde glose à longueur de critique par ici) m'a semblé receler de jolis moments, qui servait bien le récit (pas d'exemples précis en tête là tout de suite mais il y en a, je vous le dis).
Mais bon, des défauts, il y en a aussi. D'abord la dernière image, la Reine des Neiges qui court dans la forêt, en voiles vaporeux. C'est dommage une dernière image qui laisse un goût niaiseux dans la bouche, alors que le reste du film évitait, à mon sens, le plus souvent cet écueil.
Et puis un défaut fréquemment évoqué, ce côté bobo irritant : les personnages sont luthiers, libraires, critiques gastronomiques (n'en jetez plus, la cour est pleine !!) et vivent dans des apparts plutôt luxueux, loin du monde, enfin du mien. (Moi y en a être français moyen moyen, pas CSP++)
Enfin, à quelque chose malheur est bon, au moins on pense que Laurent parle de ce qu'elle connaît et ne cherche pas à passer pour quelqu'un d'autre. C'est déjà çà, et c'est pas plus mal, tant de réalisateurs français nous parlent de milieux qu'ils ne connaissent visiblement pas.
Autre chose m'a géné, plus encore que tout çà : la comparaison.
Quelques exemples
- le personnage de Laurent est luthier. A aucun moment, on ne la sent impliquée dans son travail, comme pouvaient nous le faire ressentir Dussolier et Auteuil dans le sublime mélo de Claude Sautet, Un Coeur en Hiver.
- Le film est tourné à Lyon mais on ne ressent jamais l'ambiance de la ville qui reste un décor désincarné. On est loin de l'amour que montre Bertrand Tavernier pour cette ville dans l'Horloger de Saint Paul ou Une Semaine de Vacances. Il est vrai que Tatave est lyonnais, lui, et qu'il aime sa ville (et le monde qui va avec) et que çà se sent, et que çà amène beaucoup de chair à son propos, ce qui manque parfois ici.
On a l'impression d'une vie en vase clos, comme si le monde se réduisait aux personnages du film, ce qui nous donne vraiment l'impression d'être au cinéma, sans le monde autour de nous et des personnages. C'est, à mon avis un des principaux défauts du cinéma français actuel, et Laurent, hélas tombe aussi dans ce panneau.
Bref, comparée à ses glorieux aînés, notre petite Mélanie fait un peu tendre, un peu légère.
C'est dommage, car le film ne manque pas d'une sensibilité réelle, finalement peu atteint par une sensiblerie de mauvais aloi, qui affleure parfois (mais le sujet s'y prête, l'amour, le deuil, la vie, l'égoïsme, la perte d'un être cher, la mort, tout çà, tout çà).
Finalement, on ne s'en tire pas si mal, nous les spectateurs, qui y trouvons notre compte d'émotions, grâce en soit rendu avant tout à de bon(ne)s acteurs/trices qui rendent justice à des personnages bien dessinés, hélas un peu orphelins du monde, à l'image de notre univers actuel, individualiste et auto-centré.