Les ailes du désir peut avoir l'air d'un film austère avec ses allures de documentaire sur Berlin, pourtant, dans ce tourbillon de pensée et ces plans aériens, difficile de s'ennuyer une seconde. Le poème qui rythme le métrage est très beau et renvoie à une innocence perdue. Peut-être l'innocence de ces anges voyeurs aux allures d'agent du renseignement, qui écoutent la moindre des pensées des habitants de la ville. Bruno Gantz délivre une performance attendrissante dans le rôle de Damiel amoureux qui regrette de ne pas sentir le vent sur son visage, l'autre ange, Cassiel a un regard et une présence qui le rendent tout à fait fascinant.
Le film est également traversé par la malice d'un Peter Falk brillant dans son propre rôle, élément comique rafraîchissant qui casse assez vite l'image d'un film dépressif sur un Berlin séparé par le mur qu'on prête parfois à Les ailes du désir. Parlons donc du mur, ici symbolisé par l'opposition entre le noir et blanc du monde des anges et des pensées et la couleur du monde des vivants, on le voit peu. D'ailleurs malgré qu'on soit sans cesse aux prises avec les pensées des gens il n'est jamais discuté, mentionné, jamais pensé comme si pour Wenders le mur était impensable. Il est pourtant physiquement présent, c'est notamment devant un pan du mur que Damiel tombe quand il renonce à son immortalité pour s'incarner en homme, un passage important par le tournant définitif du film vers la couleur et l'optimisme, le mur est là mais tagué de mille couleurs.
L'esthétique de l'ange classique est ici une blague bienvenue et la dimension chrétienne n'est jamais qu'un prétexte à un film profondément social, plus intéressé par la ville, ses bâtiments, ses concerts avec parfois même quelques plans qu'on sent lugubre sur les affichages publicitaires qui la défigurent.
Verbeux certes mais jamais creux, je ne peux qu'encourager à voir ce film qui est bien loin de l'idée que l'on pourrait s'en faire et qui m'aura autant marqué à 16 ans qu'à 28.