Les Amants du Texas de David Lowery est une œuvre qui ne peut sortir de son contexte cinématographie – position à double tranchant –. Symbole de la vitalité artistique du cinéma indépendant américain, le film fait également parti d’un genre devenu Roi dont le manque de nouveauté commence à se faire sentir : le Southern Gothic. Adoubé par Terrence Malick – chef de file logique -, il prône un cinéma naturaliste avec une constante recherche du mouvement et de la lumière. Ce genre s’inscrit dans une volonté de mettre au point des films d’atmosphère plus que des films de récit, comme pour mieux ressembler à la nature luxuriante et inquiétante des Etats du Sud dans laquelle l’homme est mis face à sa solitude et sa bestialité. Le Southern Gothic devenu routine du cinéma américain, n’ayant plus les grâces de la nouveauté, ne laisse ainsi éclore que les plus talentueux : Jeff Nichols (Take Shelter, Mud) ou Ben Zeitlin (Les Bêtes du Sud Sauvage). David Lowery est-il la prochaine révélation ?


Les Amants du Texas, suivant un modèle à la Terrence Malick, est une œuvre qui base son récit sur la digression. David Lowery entoure ainsi son histoire d’un mystère – forcément séduisant – en ne mettant pas le spectateur dans une position omnisciente, un confort que les réalisateurs lui octroient trop souvent. Le spectateur ne dispose pas d’explication, il suit le récit à la hauteur des personnages. Décrivant son œuvre comme une « chanson folk », le réalisateur américain signe des scènes-couplets qui prônent une certaine instantanéité de la vie et qui se catalysent autour d’un refrain : l’amour solaire que se portent Ruth (Rooney Mara) et Bob (Casey Affleck). L’ellipse devient alors un véritable mode de narration. David Lowery ne suit plus la mémoire évènementielle de ses personnages, mais une mémoire sentimentale. Il fait papillonner son récit en insufflant une douceur à ce couple dramatique. Le spectateur s’immisce alors dans un quotidien plus fort car plus proche d’une certaine notion de l’épopée.


Le long-métrage de David Lowery se veut proche d’une vision antique de la tragédie en reprenant le thème récurrent des amoureux transis. Souvent comparé à « Bonny & Clyde », Les Amants du Texas ne cherche pas l’héroïsme mais plutôt à la prétention de toucher au sublime. Les scènes de violence ou de coup de feu sont brèves et semblent tourner plus par nécessité narrative que par volonté de créer une acmé. David Lowery tente d’amener une notion chevaleresque du romantisme avec la dénonciation fatale de Bob pour sauver sa femme, pourtant coupable. Un sacrifice amoureux qui a pour but de protéger la vie, l’enfant que Ruth porte. Cependant, les personnages n’ont pas de profondeur. Cela n’a rien à voir avec le talent de comédiens de Rooney Mara et Casey Affleck qui illuminent l’œuvre, mais plutôt au fait que les rôles ne sont vu que par le prisme de leur couple. Ruth sera du début à la fin la femme attentiste, et Bob le fugitif. Ils n’ont qu’une seule facette dans une histoire qui pourtant se veut aux confins du drame psychologique avec le retour Patrick (Ben Foster) le policier sur lequel Ruth à tirer.


De plus, David Lowery abandonne progressivement dans cette deuxième partie son mode narratif elliptique. Le film s’enlise alors dans ce récit plus classique et perd le charme qu’il avait su créer depuis son ouverture malickienne dans un champ baignée de lumière vers laquelle se tourne sans cesse la caméra. Enfin, le scénario des Amants du Texas donne une certaine facilité et aisance à la fugue de Bob. Une facilité qui entache alors un peu la vraisemblance globale du récit. Presque jamais il ne sera inquiété par les forces de l’ordre, il vagabonde aisément dans un milieu qui devrait pourtant lui être hostile.


Les Amants du Texas permet à David Lowery de montrer qu’il est tout de même un réalisateur et un scénariste prometteur. Cependant, il faut qu’il s’émancipe de ses modèles qui le rattrapent, surtout Terrence Malick.

Contrechamp
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Festival Américain de Deauville 2013 et Films 2013

Créée

le 22 sept. 2013

Critique lue 843 fois

10 j'aime

2 commentaires

Contrechamp

Écrit par

Critique lue 843 fois

10
2

D'autres avis sur Les Amants du Texas

Les Amants du Texas
Contrechamp
5

Amour Précoce

Les Amants du Texas de David Lowery est une œuvre qui ne peut sortir de son contexte cinématographie – position à double tranchant –. Symbole de la vitalité artistique du cinéma indépendant...

le 22 sept. 2013

10 j'aime

2

Les Amants du Texas
ThierryDepinsun
3

Ennui total devant le vide campagnard...

On se demande toujours comment certaines traductions de titres peuvent survenir. Certes, en voyant le synopsis, on y trouve la logique. Cependant, sachant que le Texas dans lequel nous, français,...

le 29 sept. 2013

8 j'aime

Les Amants du Texas
Fannyrbp
8

8, oui et ?

Ceci est ma première critique, preuve de l'estime que j'ai pour ce "petit" film. C'est maintenant un fait, j'aime David Lowery. Bien sûr, je préfère le Lowery des Amants du Texas ou de A ghost story,...

le 25 janv. 2018

6 j'aime

Du même critique

Silence
Contrechamp
4

Apocalypse Past

Avec Silence, Martin Scorsese laisse derrière lui l’ère DiCaprio chargée de fureur, sombre (Shutter Island, 2010) ou baroque (Le Loup de Wall-Street, 2013). Il marque une rupture nette avec ce...

le 7 févr. 2017

43 j'aime

10

Mademoiselle
Contrechamp
5

Cinquante nuances de Park Chan-Wook

En transposant le roman Du bout des doigts de Sarah Waters dans la Corée colonisée des années 1930, Park Chan-Wook se hasarde pour la première fois dans le genre du film d’époque. Une incursion qui...

le 18 oct. 2016

39 j'aime

8

Mon roi
Contrechamp
3

L’Amour est mort, vive l’Humiliation !

Le Cinéma français tue l’Amour ! Après en avoir fait un art – des obsessions rohmériennes aux mélodies d’Honoré –, il le dépèce sans vergogne de sa dramaturgie et de sa naïveté poétique pour n’en...

le 18 oct. 2015

33 j'aime

6