L'échidné qui met la main sur tout l'argent qui passe à sa portée

Véritable mascotte des Animaux Fantastiques, parmi les nombreux autres spécimens séjournant dans la valise de Norbert Dragonneau, cette drôle de bestiole, assez sympathique et maligne, apparaît dès les premières minutes du film, attirée par tout ce qui brille, animée par le gain, et dotée d'une poche ventrale à la contenance insoupçonnée.


Inconsciente ou non, cette mise en scène pourrait peut être représenter, aux yeux des plus cyniques, l'attitude de J.K. Rowling, devenue aujourd'hui scénariste officielle de son propre univers, ou encore celle de la Warner, le studio étant en panne de franchises fructueuses à exploiter. Or, quels plus beaux lendemains qui chantent garantis que ceux-ci, niveau bénéfice net ? Surtout quand on saucissonne un seul bouquin en trois, puis cinq films, comme l'on avait naguère dédoublé le chapitre final d'un petit sorcier qui n'en avait aucunement besoin ?


J'arrêterai ici de persifler : car Les Animaux Fantastiques, aussi imparfait soit-il, recèle quand même quelques jolis morceaux, quelques très bons éléments. Comme cette chasse aux monstres aux faux airs de Monster Hunter, ou encore de Pokemon Go dans le New York de 1926, à la direction artistique la plupart du temps superbe et inspirée, faisant table rase de la campagne anglaise morne et de son manoir quelconque. Le travail sur les décors, lui, en mettra plein les mirettes, à coup sûr, pour une animation visuelle de presque tous les instants.


Et puis, contrairement à la saga Harry Potter, surtout les derniers, déjà animés par un David Yates anonyme, la magie est là, même si ce n'est que par à-coups. Ainsi, la scène de l'atelier de Dragonneau, ouvert sur une multiplicité de natures, en émerveillera plus d'un. Oh, n'imaginez pas que Yates soit devenu un cador. Celui-ci ne se cache sans doute pas derrière cette séquence féérique, tant cette dernière prend avant tout ses racines dans la magie d'effets numériques parfaits et maîtrisés. Car si cette fois, Yates ne rate pas un plan, comme dans son Tarzan très perfectible, il ne fait aucun choix de mise en scène, ne prend aucun risque pour illustrer ce que la Warner et J.K. Rowling mettent sous le nez du spectateur, allant jusqu'à cloner des ralentis ostentatoires et assez hors sujet, au sein d'une narration artificiellement morcelée.


Si Les Animaux Fantastiques a le mérite de n'ennuyer à aucun moment, il recèle cependant quelques écarts, quelques maladresses qui seront de toute façon, sans doute, pardonnés par les fans hardcore, comme cet humour bas de plafond, cette love story niaise, ces scènes qui ne font pas du tout avancer l'intrigue ou ces personnages dispensables.


Mais ce qui choquera le plus, ce sont des scènes parfois embarrassantes pour les comédiens qui les incarnent. Je pense plus particulièrement au pauvre Eddie Redmayne, pris d'une danse de Saint-Guy des plus ridicules pour attirer l'attention d'un rhinocéros en rut, démolissant le capital sympathie du personnage.


Et puis, il y a cet univers, si riche de variétés dans son bestiaire et de promesses pour la suite de la série, mais qui, pourtant, souffre d'écarts dans son appréhension. Car si les décors New Yorkais sonnent beaucoup plus adultes, comme les tensions à peine esquissées au niveau politique, ou encore cette image finale de l'enfance trahie et douloureuse, très dark dans son rendu, ils y côtoient des éléments parfois bien plus puérils, voire carrément niais qui dénotent avec l'ensemble et les visées scénaristiques de J.K. Rowling qui renoue ici avec les travers de sa saga fétiche.


Au point de se prendre à rêver de ce qu'aurait pu faire d'un tel matériau un gars comme Guillermo Del Toro, qu'un tel film aurait pu lui aller comme un gant, et ainsi mettre sur la touche David Yates, qui réalise cependant ici son meilleur film, simple yes-man dont il est bizarre qu'il ne soit pas plus décrié.


Car Les Animaux Fantastiques, avec un tel pedigree, aurait pu être bien plus que ce film solide mais un peu désincarné et générique, qui fait cependant passer un assez joli moment... A défaut de plus.


Behind_the_Mask, qui sort sa baguette magique en public.

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le 20 nov. 2016

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