Tous les jours, je marche pour rentrer du travail. J’aime beaucoup marcher. Que ce soit à la ville ou à la campagne ou alors même pourquoi pas au milieu d’à peu près nul part, j’aime vraiment beaucoup marcher. Pour rentrer du travail, le chemin n’est pas bien long, une vingtaine de minutes tout au plus, mais c’est finalement suffisant pour être appréciable. Mon esprit divague lentement puis finit par se perdre dans les recoins repliés de mon cerveau, mon regard se promène sur les façades de pierres et de briques, sur les arbres qui bordent la route, sur les gens que je croise et sur l’horizon, là-bas, loin au dessus des toits de la ville pendant que mes jambes prennent le relais pour me ramener tranquillement chez moi. Il y a plusieurs itinéraires possibles, plus ou moins long, avec ou sans parc, si bien que je laisse mes jambes décider du chemin qui leur plaira bien d’emprunter ce jour là, en fonction de leur humeur et de leur bon vouloir.


Hier, je rentrais donc du travail, en marchant, bien entendu, et j’avais un peu de temps à perdre avant de me rendre à un rendez-vous. Je laisse donc à mon esprit le temps de se rendre dans l’un de ses petits coins favoris de mon cerveau, là où il se sent si bien, mon regard se promener sur la ville hivernale, avec ses vitrines colorées, sa grande roue qui tourne décidément bien vite cette année - le monde est-il donc si pressé qu’ils accélèrent même la vitesse des grandes roues ? – son marché de Noël avec ses militaires et leurs grands fusils, ça c’est festif, - avec ça vous prendrez bien un bon vin chaud ou alors pourquoi pas des croustillons ? - et tous ces petits nuages de condensation qui flottent au dessus de tout le monde en les suivant partout, recouvrant la ville de milliers de pensées embrumées, et je laisse finalement mes jambes m’emmener là où elles veulent bien me conduire.


Elles me conduisent alors tranquillement, bien à leur rythme préféré, pas trop rapide mais pas bien lent non plus, me font passer devant un grand magasin Printemps et voilà qu’une des portes vitrées s’ouvre et qu’une jeune femme sort en manquant d’écraser le pauvre monsieur assis par terre contre le mur avec son fils dans les bras, recroquevillés sous une couverture, mais par contre elle ne loupe pas son petit gobelet et quelques pièces dorées et cuivrées voltigent et roulent sur le sol pavé. Elle n’aide pas à les ramasser, ne s’arrête pas non plus et ne s’excuse même pas.


Les pièces ramassées par quelques passants sont de retour dans leur petit gobelet, l’esprit replonge dans ses rêveries, le regard en balade, mes jambes reprennent les rennes et m’emmènent vers le Furet du Nord de la Grand-Place. Un grand magasin qui déborde de livres et de magazines et de journaux et qui offre beaucoup de possibilités de coups d’œil et de feuilletages et de lectures, le lieu parfait pour perdre quelques minutes. Souvent même on y perd tout un tas d’autres minutes que l’on n’avait pas vraiment besoin de perdre.


Je me dirige vers l’entrée et revoilà la jeune femme qui est juste devant moi et qui ne prend pas la peine de regarder si quelqu’un entre derrière elle et la porte se referme tout contre moi. Quelque peu échaudé par cette deuxième rencontre désagréable avec cette même personne, je me dirige vers le rayon des magazines et y perds comme à l’accoutumé quelques minutes en plus de celles que j’étais venu perdre et me dirige alors vers la sortie. Le chemin pour y arriver passe devant les caisses, la circulation est plus dense, les personnes se rapprochent les unes des autres, se frôlent et se frottent, l’espace se fait plus rare. Je m’écarte pour laisser passer un vieux monsieur un peu à l’étroit dans sa doudoune trop large au milieu de cette petite foule et voilà que ressurgit derrière moi la jeune femme, qu’elle fonce pour prendre l’espace libéré et manque de bousculer le vieux monsieur qui me fixe avec un regard d’où peu bien aller ce monde.


Et bien cette jeune femme, avec ses longs cheveux noirs, ses grands yeux noisette et son sourire pincé, sa petite taille, sa fine silhouette et sa démarche aérienne, avec qui l’on aimerait bien boire un verre dans la lumière crépusculaire du soleil couchant ou bien avec qui l’on aimerait bien se réveiller dans la lumière tiède du soleil levant, si seulement elle n’avait pas ce regard hautain, cet air détestable et ces bonnes manières en coup de poing dans les couilles, ferait un méchant bien plus crédible que Colin Farrell avec ses cheveux noirs et son long manteau noir aussi, et que Johnny Depp avec ses cheveux blancs et son long manteau blanc aussi, et qu'Ezra Miller avec sa fumée noire destructrice et insaisissable, même s’ils venaient à se mélanger pour former un super méchant de fumée avec des cheveux noirs et blancs et puis un long manteau noir et blanc aussi.


Alors pourquoi continuer à créer ou alors à récupérer des supers méchants pour en faire des petits méchants ratés de cours de récréations qui ne seraient même pas capable de racketter le devoir de mathématique du petit Louis, ce petit Louis tout petit et tout mince et qui en plus est asthmatique et qui en plus a des plaques d’eczema partout sur les bras ? Pourquoi ne pas profiter du côté féerique de l’univers et de l’histoire et des personnages pour en faire un road-movie fantastique à travers les Etats-Unis.


Notre jeune ami scientifique, nos deux magiciennes et puis même notre non magicien à moustache partiraient sur les routes d’Amérique, ces grandes routes légendaires, à la recherche d’animaux magiques rares et sauvages. Ils iraient dans les déserts du sud ou alors dans les montagnes du Colorado ou alors dans les forêts du Wisconsin ou alors pourquoi pas dans les grands lacs du Montana et il s’arrêteraient dans ces petites villes paumées et ils feraient des rencontres, peut-être se feront-ils des amis avec qui ils passeraient un petit bout de vie ou alors peut-être que personne ne les comprendrait et qu’ils seraient persécutés, et pendant ce temps-là, ils découvriraient des animaux magiques, ils les aideraient, ils les soigneraient, et à la fin, au milieu des grands canyons rougeoyant sous un grand ciel bleu, ils libéreraient le grand oiseau magique et majestueux, il s’envolerait loin dans les cieux, toujours plus loin, et nos quatre héros s’en iraient lentement dans la direction opposée.


Et s’il faut faire des suites, alors ils pourraient partir à la recherche d’animaux magiques dans l’enfer verdoyant de l’Amazonie ou dans le désert de glace du Groenland ou alors dans les dunes de sables du Sahara et ils découvriraient de nouvelles cultures et des formes de magies jusqu’alors inconnues et on voyagerait partout avec eux. Ils se découvriraient comme ils ne savaient pas qu’ils pouvaient être.


Au lieu de ça, faîtes donc un film avec un combat final à chaque fois, avec de jolies lumières et de jolies explosions colorées et de l’angoissante fumée et de l’angoissante brume ténébreuse et puis alors, tout à la fin, Grindelwald tombera.


Après tout, ça marchera, ça fera des millions d’entrées et ça fera même vendre des Frosties Les Animaux Fantastiques 45 centimes plus cher que les Frosties normaux, alors pourquoi s’embêter.

Clode
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le 9 déc. 2016

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Clode

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