Commençons par le commencement, les animaux fantastiques eux-mêmes. Ils sont originaux, très réussis, absolument adorables, les enfants doivent adorer et moi-même je suis loin d'y être indifférente. Mention spéciale au Niffleur, qui est en plus un clin d'oeil discret aux livres originaux, un autre bon point: pas de références lourdes.
On sent réellement l'attachement que Norbert Dragonneau porte à ses créatures. Eddie Reymane est très bon en zoologue passionné, maladroit et sincère, il fait des merveilles avec le peu qui lui est donné. On a envie d'en savoir plus sur lui: on essaie un peu trop fort de nous intéresser à son passé avec une Lestrange, mais c'est la référence en passant à sa participation à la Première Guerre mondiale qui est intéressante à réconcilier avec son charme et son insouciance.
C'est l'une des deux performances d'acteurs du film, ce qui nous amène à la seconde: si on m'avait dit en sortant de The Lobster qu'un jour je trouverais Colin Farrell sexy, et pourtant, il l'est et son personnage est très réussi, impressionnant et inquiétant (très bien habillé aussi, toutes mes félicitations aux costumiers), tout comme sa relation avec Croyance Barebone (Ezra Miller, affublé de la pire coupe de cheveux de la décennie, très bon en adolescent réprimé).
JK Rowling est très douée pour écrire des relations abusives surtout quand elles impliquent des enfants et ça se voit, même si le changement de ton par rapport à la valise-Tardis de Norbert Dragonneau donne l'impression de regarder deux films différents en même temps.
A ces trois exceptions près, aucun personnage n'a le développement qu'il mérite. Jacob Kowalski n'a aucune autre fonction que celle d'exposition pour ceux qui auraient besoin de se rafraîchir la mémoire.
Cela rend l'attirance de Queenie pour lui tout à fait mystérieuse. Queenie est introduite lors d'une scène ahurrissante de strip tease inversé dans laquelle elle se comporte comme si elle n'avait jamais vu d'hommes de sa vie (ce qui expliquerait pourquoi elle tombe follement amoureuse de Jacob qui a l'air fort sympathique mais qui n'a vraiment rien d'exceptionnel, contrairement à ce qu'elle dit à plusieurs reprises).
Sa sœur Tina (qu'on a du mal à décrire en plus de mots que seulement "sérieuse") passe le film à faire volte-face sans raison apparente, entre obéir au Macusa et aider Norbert. Son ralliement n'est pas "mérité", on ne voit aucun enjeu émotionnel derrière. Elle va visiblement revenir dans le film suivant, et elle aurait bénéficié de quelques minutes de plus, que l'on aurait par exemple pu retirer de la scène du zoo, drôle mais qui ne fait pas avancer l'intrigue.
Bref, les personnages semblent un peu creux, et le décor aussi: on est à New York mais toutes les rues sont larges et propres, les figurants sont tous bien habillés, on se sent vraiment dans un décor de cinéma.
Pour revenir sur l'inscription du film dans le monde de Harry Potter, la construction de l'univers n'a aucun sens si on s'y arrête un moment: les sorciers américains vivent totalement séparés des non-majs mais ils ne semblent pas avoir à leur encontre les préjugés largement partagés par les Britanniques. Ils s'intègrent parfaitement dans leur environnement alors que les différences culturelles sont énormes.
Ce fossé entre sorciers et non-majs est particulièrement étrange lorsque, malgré l'amitié et même l'amour qu'ils forment pour Jacob tout au long du film et la joie évidente qu'il éprouve en découvrant la magie (qui reflète très joliment celle du spectateur), tous les personnages acceptent la nécessité de lui effacer la mémoire, aucun n'envisage de se rebeller.
D'ailleurs, pourquoi le Macusa, terrifié à l'idée d'être découvert, ne décide pas d'effacer la mémoire de la femme qui dirige une organisation qui annonce le retour des sorcières? Ce n'est visiblement pas une question morale (ils condamnent deux personnes à mort sans aucune forme de procès), alors qu'est-ce qui les en empêche? Elle est la dirigeante et la seule membre de son organisation, ça ne serait même pas difficile.
De la même façon, si Norbert manque de briser le secret magique par accident, comment un sorcier aussi puissant que Grindelwald pourrait ne pas y arriver? Au fond, il suffit de faire de la magie un peu spectaculaire dans un endroit fortement peuplé, ça ne doit pas être très compliqué.
Pour terminer, je veux juste revenir sur la déception au moment où
Colin Farrell (encore une fois, le meilleur acteur du film! un méchant incroyable!) se transforme en un Johnny Depp à la moustache blonde un peu ridicule,
ce serait presque drôle tellement l'effet produit est contraire à ce que le film voudrait créer.
Bref, un film charmant, agréable superficiellement, mais qui ne résiste pas à un visionnage approfondi comme les fans de Harry Potter, qui n'ont pas eu grand chose de nouveau à se mettre sous la dent depuis un moment (je refuse d'admettre l'existence de L'Enfant maudit), en ont l'habitude.