Le premier film avait eu le mérite d’étendre de façon agréable et intéressante l’univers de Rowling tout en introduisant un nouveau personnage et en se basant sur un concept intéressant. Il dessinait également les pistes pour le grand affrontement entre Dumbledore et Grindelwald en cette première moitié de XXe siècle. Cette suite poursuit le travail, mais se perd en chemin et se retrouve dégarnie de ce qui faisait la force du premier film.


La menace représentée par Grindelwald et son idéologie est toujours bien présente, et maintenant qu’il a plus de temps à l’écran et que le personnage de Dumbledore est également introduit, leur relation sera également plus approfondie. Du coup, le film installe son contexte pour l’affrontement entre les deux mages, et on ne va pas se mentir, ça sera la partie la plus intéressante. Entre les motivations de Grindelwald et les contraintes qui empêche Dumbledore d’agir, on aura quelque chose d’assez classique mais qui fonctionne. Et les deux personnages seront de loin les plus intéressants de ce second film, Dumbledore s’avérant même très canon par rapport à celui qu’on connaît.


Malheureusement, ça s’arrête là. Le côté « animaux fantastiques » restent toujours présent avec quelques créatures ici et là, mais ce n’est clairement pas le cœur du film et celui-ci ne prend même pas l’opportunité de présenter des créatures propres à la France, ce qui peut amener à la question : pourquoi avoir choisi Paris ? Certes, des éléments de l’intrigues viennent soutenir cette hypothèse, mais c’est ce qu’on peut appeler des éléments interchangeables, ça aurait très bien pu fonctionner ailleurs. Bien sûr, c’était sympa de voir le côté sorcier en France et à Paris, ça permet le caméo amusant de Nicolas Flamel, mais rien de plus.


Le personnage de Norbert reste intéressant en soit, toujours dans son côté un peu autiste et ses interactions avec les gens, mais il se retrouve souvent bien écrasé par les deux adversaires du film et les exigences scénaristiques. J’ai bien aimé son positionnement moral par rapport à la situation, mais d’un autre côté, cela conduit à son évolution et je dois admettre que sa résolution est bien décevante. Pas forcément par rapport à lui-même, mais par rapport comment on y parvient :


utiliser Leta Lestrange comme femme sacrificielle pour motiver le héros à prendre ouvertement position contre Grindelwald dans cette guerre, et non parce que Grindelwald est le Mal…


Je trouve ça très surprenant de la part de Rowling, et surtout ça gâche le personnage de


Leta


qui s’était montrée plutôt intéressante avec son passé.


Le frère de Norbert, Thésée, n’apporte finalement pas grand-chose si ce n’est être la figure d’autorité du film. Tina ne sert strictement à rien dans ce film, ou presque. Son personnage est relégué au second rang pour servir de love interest à Norbert (pour suivre le canon), mais ça sonne faux, maladroit, lourd, bancal, laborieux à chaque fois. Clairement, le personnage n’apporte rien de concret au film lui-même, si ce n’est qu’elle suit sa propre intuition à la poursuite de Crédence. Pour rester chez les Goldstein, Queenie n’est pas mieux, c’est même pire : le personnage est absolument inutile si ce n’est que pour son revirement à la fin du film sans doute pour créer une forme de tension par la suite. Mais encore une fois, c’est mal amené, mal préparé, sans motivations réelles.


Pour revenir sur Crédence, on sent un peu le film bâtard pour ce personnage. Car même s’il est au cœur de toute l’intrigue une nouvelle fois, il n’a pas vraiment l’occasion de briller ni de se mettre en avant. Il reste en retrait le plus souvent, ne venant que pour exiger la vérité sur son passé. Ce qui nous sera donné à la toute fin du film et… Disons que ce twist final (qu’on commençait à sentir venir depuis un petit moment quand même) aura de quoi nous laissé perplexe tant il est difficile de le faire s’accorder avec le reste du canon et de ce qui nous a été présenté jusqu’à présent. Mais bon, l’univers des films n’est pas celui des livres, et les films n’ont pas vraiment développé tout ce qu’on sait du passé des Dumbledore, alors on verra.


Le personnage de Nagini apparaît donc ici et, encore une fois, ne semble pas vraiment apporter grand-chose à l’intrigue si ce n’est un clin d’œil. À voir ce qui en sera fait par la suite. Jacob Kowalski reste un ressort comique toujours bienvenu, même s’il souffre quand même beaucoup de l’arc inexistant développé pour Queenie, et que son introduction et sa place dans le film paraissent un peu forcées, comme si cela avait été ajouté par la suite. Mais bon, il sera encore celui qui nous fera rire le plus efficacement, et je dois admettre qu’il est celui qui retranscrit le mieux la terreur qu’implique la vision de Grindelwald au sein de cette assemblée, sans doute parce qu’il est celui qui la comprend la mieux.


Le problème majeur du film, c’est son rythme. Étrangement, il ressemblera à un mélange entre La Coupe de feu et Le Prince de Sang-mêlé. Le second pour ce côté un peu longuet, film de transition, qui pose des pistes mais oublie de proposer une intrigue qui lui est propre. Le premier pour cet aspect rushé, saccadé, discontinu du film. Ce que j’entends par là, c’est que les scènes se suivent sans de réelle transition les unes aux autres. On passe de l’une à l’autre sans rythme, sans création de tension, ce qui aura pour effet de nous faire sortir du film, ou pour être plus exact, nous empêchera de nous y plonger. Là où le premier film avait réussi son coup, celui-ci manque une scène qui nous fait entrer dans l’univers.


Tout au long, j’ai eu l’impression qu’il essayait de m’y emmener et puis bam, quelque chose venait couper cette immersion, empêchant de l’accomplir. On a la sensation de se cogner à un mur à chaque scène, comme si on nous forcer à entrer dans le film mais que de l’autre côté, on nous bloquait délibérément le passage. Comme si on était déjà immergé dans le film et qu’il n’y avait pas besoin de le refaire. Ça peut fonctionner si on enchaîne les deux premiers, mais comme film seul, ça échoue totalement. On doit pouvoir entrer dans chaque film. Ici, on a une succession chaotique de scènes d’action entrecoupées quelques minutes par une scène plate et fade pour enchaîner directement sur une autre scène d’action sans rapport, et ainsi de suite pendant plus de 2h.
Je ne reviendrai pas sur les incohérences du film et ses révélations contradictoires avec ce qu’on sait du canon, tout simplement parce qu’au fond ce n’est pas ce qui rend ce film au final très moyen, mais bien ce que j’ai développé avant.


Le casting sera globalement moyen. Eddie Redmayne reste fidèle à ce qu’il avait proposé dans le précédent film, et sera sans doute celui qui s’en sort le mieux. Johnny Depp fait du Johnny Depp, même si ça reste assez fidèle au personnage ou l’idée qu’on aurait pu s’en faire. Jude Law en Dumbledore a quand même la classe et s’en sort admirablement bien, on retrouve ce côté sage, presque espiègle même par moment. Ezra Miller sera toujours convaincant même s’il a malheureusement trop peu de temps pour développer son personnage. Quant au reste, ben je vous renvoie à mes avis sur les personnages car ça se rejoint.


Techniquement, le film accuse également de nombreuses faiblesses. La musique de James Newton Howard sera décevante sur cet épisode : reprenant et réorchestrant les principaux thèmes du film précédent en les charcutant sans regret, elle échouera non seulement à créer de la magie mais aussi à proposer de nouveaux thèmes marquants. Comme pour le film, on aura un début de thème qui débutera, adapté, mais paf, il s’arrêtera avant même d’avoir pu nous transporter dans l’univers. Le seul et unique moment qui fonctionnera, ça sera le retour à Poudlard sur la musique de John Williams… Comme quoi, je n’invente rien. Reste le grand final qui s’en sortira un peu mieux à ce niveau.


Les effets spéciaux sont globalement corrects, sans plus, idem pour les décors qui retranscrivent plutôt bien l’époque et le lieu. C’est vrai que le Paris, aussi bien sorcier que Moldu, paraîtra un peu vide, terne, voire même fade, mais j’ai bien aimé ce qu’ils ont fait avec le Ministère et la crypte à la fin du film. Quant à la mise en scène… c’est très variable. La scène d’introduction est extrêmement filmée : non seulement l’action est illisible, incompréhensible par moment, mais en plus nombre des choix pris sont de mauvais choix de mise en scène qui casse la possible immersion dans le film. Par la suite, ça reviendra à une mise en scène plus classique de la part de Yates, sans vraiment de grands moments (allez, si, éventuellement, le petit plan-séquence lors de la scène du cirque). Quant à la fin, ça restera une nouvelle fois très classique dans la réalisation, mais au moins ça restera lisible et les choix pris, bien que pas forcément les meilleurs, resteront corrects.


Les Crimes de Grindelwald est donc un film plutôt moyen dans l’ensemble, sans pour autant être une énorme déception. Parce que l’attente autour du film n’était pas démesurée, j’étais simplement curieux de voir ce qu’ils allaient faire. J’ai été satisfait de ce qui a été proposé pour Dumbledore et Grindelwald, beaucoup moins sur le reste mais ça ne rend pas le film insupportable. J’ai été surpris de voir autant de retours négatifs, et je comprends parfaitement les critiques presses car je les rejoins sur de nombreux points. En revanche, les fans qui crient au scandale pour tel ou tel incohérence…


Franchement, si ce sont les incohérences qui font que le film est mauvais, ces personnes sont passé-e-s à côté du film. Car oui, il y en a des grosses, il y a des révélations qui remettent en question nos connaissances de l’univers


(Aurélius Dumbledore ? Effectivement, ça m’a dérangé 3 jours avant que je trouve une solution pouvant l’expliquer, même si c’est complètement tiré par les cheveux, outre la solution de facilité « Grindelwald ment »).


Mais encore une fois, ce n’est pas là le problème du film.


Le problème du film, c’est effectivement ce manque de magie qui a été pointé du doigt par les critiques presse, ce manque de rythme dans l’action, dans la dynamique même de l’intrigue, ce vide dans l’immense majorité des personnages, ce brassage d’air inutile chez certains. Le fait que le film échoue à nous faire entrer dans son univers, dans son histoire, à nous faire vibrer pour ses personnages. On a un film de transition qui prend le temps de poser les bases pour la suite mais oublie de développer son propre fil rouge. Ce qui est un mal qu’on retrouve de plus en plus au sein des films de franchises de nos jours. Et puis certaines décisions prises par Rowling concernant certains personnages, Leta en tête, me laissent dubitatif.


Bref, un film moyen qui a perdu la superbe de sa saga et l’élan donné par son prédécesseur. À voir ce que la suite nous réservera, mais va falloir rectifier le tir.

vive_le_ciné
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le 27 nov. 2018

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vive_le_ciné

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JorikVesperhaven
5

Formellement irréprochable, une suite confuse qui nous perd à force de sous-intrigues inachevées.

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