Les crimes de Grindelwald ont le syndrome du Hobbit et les animaux fantastiques font de la figuratio

Deux ans après le premier film qui ravivait la magie du monde d'Harry Potter (qui n'a jamais cessé d'être nourrie depuis la fin de la saga-mère), le deuxième volet des Animaux Fantastiques nous fait vite transplaner de New York à Paris pour entrer un peu plus dans le vif du sujet. Les créatures fantastiques ne manquent pas et c'est en compagnie d'une équipe élargie que les moldus que nous sommes tentent de contrecarrer les plans de Grindelwald. Plus de masque ou d'apparences trompeuses, Johnny Depp entre dans le jeu et se montre sous un visage séduisant dans les temps troublés, magiques et maléfiques mais aussi raccord à ce que nous vivons dans le XXIe siècle qui est le nôtre. Ça ne suffit pas à faire un film.


À lire plus à l'aise sur : http://branchesculture.com/2018/11/18/les-crimes-de-grindelwald-animaux-fantastiques-deception-fantastic-beasts-dragonneau-fan-service-jk-rowling-ennui-populisme/


Dans le hall du cinéma, la file est déjà longue, quarante minutes avant le début du film. C'est sûr, en cette première semaine d'exploitation, la magie opère et le sortilège d'accio se montre toujours efficace. Les portes s'ouvrent, ce n'est pas Poudlard mais le grand écran de l'Acinapolis qui apparaît, et une armée d'apprentis sorciers se rue sur les sièges, veillant à choisir la meilleure place pour assister au spectacle. En attendant, certains fans enfiévrés débattent déjà sur la photo du casting projetée en attendant le lancement des bandes-annonces. Les théories vont bon train, l'effervescence est intacte.


Il était une fois à Paris...


Et, dans ce deuxième opus, si les personnages sont désormais familiers, que d'autres prennent possession du devant de la scène, on s'aperçoit vite que tout est à recommencer pour Norbert Dragonneau (Eddie Redmayne) et ses amis. Le temps a passé, Grindelwald (Johnny Depp) s'est échappé (une séquence d'ouverture incroyable et ascensionnelle, comme une attraction à sensations fortes, qui donne le La à un divertissement visuel magnifique) et veut rassembler les sorciers de "sang pur". Dans sa sinistre quête, l'homme aux yeux dépareillés entend encore compter sur Croyance, laissé plus vif que mort et de plus en plus puissant. Il était une fois à Paris... Problème, Norbert rencontre quelques ennuis avec le ministère de la magie anglais et ne peut plus voyager à l'étranger. Sauf s'il accepte le deal de son frère, Thésée (Callum Turner), auror ayant le vent en poupe, et collabore avec lui. Les frères ennemis le resteront et Albus Dumbledore (Jude Law) finira de convaincre Norbert de braver les interdictions pour rallier la Ville-Lumière sacrément obscurcie. Comme notre amour pour cette deuxième saga qui perd des plumes dans la passe de deux...


Pokémon, attrapez-les tous


Elle perd des plumes et, pourtant, les bêtes à poils et à plumes sont au rendez-vous. De nouvelles, bercées de chinoiseries. Plus fantastiques (ouf, elles portent bien le nom) les unes que les autres, bondissantes, terrifiantes et admirables, et pourtant superflues dans tout ce que raconte le film. On se croirait dans un album Panini, dans Pokémon, il faut tous les attraper... et vite les oublier. Car, c'est là que la bât... guette blesse, ces Animaux sont assez proches des gadgets de James Bond : ils amusent la galerie et sont des moyens à court-terme pour débloquer l'une ou l'autre situation mais ils ne sont pas indispensables à l'intrigue.


En voyant le premier film, je me disais que les Botrucs et Niffleurs en tête lanceraient un fameux business de produits dérivés (peluches, jouets et pourquoi pas un Fantastic Beasts Go?, etc.), à l'instar des Minions ou de Groot et Baby Groot. Ça ne s'est pas passé comme ça et ce deuxième film m'a fait comprendre pourquoi : ces créatures sont vides, éphémères. Au-delà de leur aspect visuel plus que sympathique, ils ne sont que des figurants de luxe permettant de passer le temps.


Une succession de tours de magie...


En effet, le scénario des Crimes de Grindelwald tient sur un post-it. En trente minutes, tout aurait pu être emballé et pesé. Le film dure, pourtant, 2h15. Et il est bien obligé, du coup, de pratiquer la magie au sens où les prestidigitateurs et magiciens de notre monde l'entendent. C'est-à-dire : attirer l'attention ailleurs pour mieux sortir le lapin du chapeau. Et, dans le chapeau de David Yates, le réalisateur, il y a beaucoup d'artifices. À commencer par ces animaux fantastiques, donc, mais aussi un retour à Poudlard qui met des étoiles plein les yeux avant de se rendre compte qu'on essaye de nous duper. À tel point que dans les situations d'urgence de ce long-métrage, quand la menace devrait les oppresser (Norbert est amené à pénétrer dans l'enceinte du Ministère de la magie français, incognito et illégal, et les alarmes ont tôt fait de sonner), les personnages s'arrêtent, tapent la causette, livrent leurs états d'âme. JK Rowling a juste oublié de leur servir le thé. Après dix minutes de palabres et de la broderie, la course peut reprendre, n'évitant pas les embûches et les invraisemblances.


... et beaucoup de fan-service pour sortir de la cuisse de Ju... Potter


Dans sa course folle pour essayer de cacher le vide qui l'emmitoufle, ce dixième film de l'univers d'Harry Potter ne cesse de vouloir se cautionner et se prétendre sortir de la cuisse de Ju...Potter, amenant des micro-origin story, des intrigues parallèles et des clins d'oeil qui auraient mérité de jouer la discrétion. Ainsi, Dumbledore revient de manière assez grossière (on peine à reconnaître sa physionomie mais aussi sa psychologie) sous les traits de Jude Law, un Nicolas Flamel en toc surgit de nulle part, ne parlons même pas du passage à Poudlard... abyssal et consternant. Poussif et poussant à la crise de foi(e).


Les formules magiques et séduisantes qui font les discours fratricides


En résulte un film dont le spectacle est intense (magie et cinéma ne font décidément qu'un dans cette oeuvre) mais qui semble vide. Pourtant, il y a à dire et la richesse de l'univers semble très mal exploitée. Notamment par les jeux de pairs (Norbert et Tina, Jacob et Queenie, Thésée et Norbert mais aussi Thésée et Leta, Croyance et Nagini, Croyance et Yussuf) qui finissent par nous perdre. Puis, arrive le moment où JK Rowling dégaine l'arme fatale, le sort Stupefix, quand on se rend compte que la saga d'Harry Potter n'a sans doute jamais autant parlé de notre monde, le nôtre, de 2018 et de la tentation de croire aux formules magiques qui rendent les discours fratricides séduisants (ils s'appelaient Hitler ou Staline, dans le passé, ils sont désormais Trump, Bolsonaro & co). Le surpuissant Johnny Depp fait un méchant complexe et plus vrai que nature et qui, comme tant de leader à double-facette (le Che, Allende, Castro ou même Escobar), est prêt à tuer des dizaines d'innocents sur l'autel d'une cause qu'il croit bonne et humaniste. Et ça, c'est fort. Dommage, que le film fasse ce qu'il dénonce : du populisme !


Le syndrome du Hobbit façon gloubi-boulga et Amour, Gloire et Beauté


Au final, je suis resté pantois devant ce film qui m'a rappelé une autre douleur cinématographique : Le Hobbit. Une autre saga dans la saga qui avait duré la bagatelle de neuf heures pour un livre qui ne faisait que... 287 pages. C'était long et lent mais qu'est-ce que c'était beau. Les crimes de Grindelwald, on l'a dit, aurait pu (dû?) se dérouler sur une demi-heure sans rien entacher de son intrigue. Et là, on se souvient qu'au lancement de ce nouveau marathon, JK Rowling (scénariste en solo des films) avait expliqué qu'à l'origine, elle voyait ce film sur trois épisodes, avant de se raviser et d'en scénariser cinq.


Ceci explique peut-être cela. Puis, au fond, si je veux aller plus loin, je dirais même que, après le coup de maître du premier opus (qui était peut-être autant la chance de la débutante), JK a peut-être écrit cette suite comme... un livre, multipliant les intrigues dont le cinéma aurait dû s'inspirer et sélectionner ce qu'il prenait ou laissait tomber. La romancière est prise à son propre jeu. Dans l'histoire, les réflexes sont d'ailleurs ici plus littéraires que cinématographiques, d'où le malaise, l'incompréhension, l'ennui et cette impression de gâchis et de gloubi-boulga. Le verdict est sans appel... mais appelle une suite. Et malgré l'amère déception, il y a de fortes chances qu'on en soit. Allez comprendre !

Créée

le 19 nov. 2018

Critique lue 227 fois

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JorikVesperhaven
5

Formellement irréprochable, une suite confuse qui nous perd à force de sous-intrigues inachevées.

Le premier épisode était une franchement bonne surprise qui étendait l’univers du sorcier à lunettes avec intelligence et de manière plutôt jubilatoire. Une espèce de grand huit plein de nouveautés,...

le 15 nov. 2018

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