Je viens de voir le film, je l'ai aimé. De l'avoir dit et écrit me condamne maintenant à dire pour quelles raisons je l'ai aimé et ce que j'y ai apprécié. Enfin...je me condamne moi-même à cela. Donc je me l'impose ce soir ou demain matin... Voilà c'est fait !


Pourquoi diantre, quand il fait du cinéma, Benjamin Biolay s'obstine-t-il à arborer cet air de chien qu'on vient de battre ? Il ne manque certes pas de charme, d'ailleurs si ma cousine divorce un jour c'est parce qu'elle le répète chaque fois qu'il apparaît à l'écran et qu'elle se cramponne à la télécommande comme une forcenée pour que son mari ne pitonne pas.


Henri Monlibert est un chef d'orchestre de renommée mondiale et sa femme Evelyne travaille à l'Institut français. Leur fils Malo est élève dans une classe élémentaire du Lycée français. Ils sont une famille d'expatriés qui évolue dans le microcosme des français de Vienne en Autriche. Benjamin Biolay est Henri Monlibert et Karine Wiard est Evelyne, qui préfère se faire appeler Eve car cela lui paraît plus chic.


Dans ce petit monde d'expatriés chacun se connaît et ce d'autant plus qu'ils appartiennent tous au même milieu social, hantent les mêmes endroits, se rencontrent aux mêmes rassemblements, participent à la même vie mondaine et scolarisent leurs enfants dans les mêmes écoles. Microcosme dans le microcosme, certains se fréquentent assidûment, d'apéritifs en dîners ou simplement par affinités y compris électives sans doute.
Les apparences est un film à la croisée du thriller et de la peinture d'un milieu social. Sa première dimension donnant du rythme à la seconde, mais avec cet inconvénient qu'elle l'affaiblit parfois, ne nous laissant pas le temps de partager les joies malsaines, les hésitations, les incertitudes et même les inquiétudes des uns et des autres.


Henri entretient une relation amoureuse avec l'institutrice de son fils. Ce n'est pas un long cheveu blond sur le revers du smoking, ni les derniers effluves d'un parfum féminin ou une trace de rouge à lèvres sur un col de chemise qui mettent la puce à l'oreille d'Eve sur l'existence d'une rivale. C'est un SMS passionné et imprudemment conservé qui met le feu aux poudres. Avec toute l'ambiguïté dont Karine Wiard est capable, elle voit la maîtresse d'école de son fils pour lui faire part de son profond attachement, du plaisir qu'il a quand il la voit et combien elle lui manque parfois.


Au passage, elle relève une bribe de mot de passe de la boîte email de Tina et elle n'aura aucun mal à en reconstituer l'intégralité. Elle se fait intruse dans les courriers de la maîtresse de son mari et transfère un message de femme amoureuse à tous les contacts de la messagerie piratée, donc à tous les membres de l'association des parents d'élèves de l'établissement. La communauté des français expatriés de Vienne aura du grain à moudre dans ses conversations des prochaines semaines. Qui est ce père d'élève dont la maîtresse d'école aime tant le sexe ? Malheur à celle par qui le scandale arrive! Peut-on raisonnablement lui confier plus longtemps des âmes innocentes ?


Eve se délecte du désarroi du mari infidèle, se repaît de sa vengeance de la créature qui veut lui voler son mari, mais surtout la ridiculiser et l'humilier aux yeux de tous. De rage, elle se laisse séduire par un noctambule dans un bar pour donner un goût de revanche à son désarroi. Ce qui devait être une aventure sans lendemain devient un véritable chemin de croix. Ses relations ne doivent surtout rien connaître du harcèlement qu'elle subit, quel qu'en soit le prix.


Eve a désormais également quelque chose à cacher, de la même manière que son mari et que la jeune institutrice. Sans doute comme tous ceux qui sont à l'affût des révélations qu'ils essaient d'extorquer à cette Tina qui cache si bien son jeu sous ses airs de sainte nitouche. Hors du travail et de ses petites routines quotidiennes, hors des mondanités et de leurs bavardages insipides, c'est la vie des autres, leurs petits secrets, leurs turpitudes éventuelles qui retiennent toute l'attention. En toute circonstance, ce sont les apparences qu'il faut sauver, d'où sans doute le titre du film.


J'avais d'emblée annoncé que j'avais aimé le film. Malgré quelques réserves, je ne me renie pas. J'ai retrouvé avec plaisir Karine Wiard, oublié très vite la présence un peu fantomatique de Benjamin Biolay. L'intérêt d'un film c'est celui qu'on lui porte pendant que la lumière est éteinte et le goût qu'il laisse dans la bouche quand on traverse ou remonte la rue pour rentrer chez soi. Pendant toute la durée du film mon attention est restée soutenue, l'effet thriller ne s'est pas démenti. Cependant, chemin faisant, l'intérêt s'est émoussé peu à peu, imperceptiblement et j'aurais pu enchaîner, sans hésitation, avec le film suivant. Je le fais parfois, pas toujours, soucieux de ne rien effacer de ce que j'ai précédemment vu et ressenti.


Je range volontiers Les apparences dans la catégorie **Films du dimanche soi**r. Entendons-nous, cela n'a rien d'infamant à mes yeux. Je range dans cette catégorie les films qui permettent une bonne hygiène de vie avant d'aller dormir : pas trop trépidant, mais alerte cependant, pas trop stimulant, mais suffisamment motivant pour ne pas piquer du nez. Le sommeil qui suit en sera d'autant plus paisible et réparateur.

Freddy-Klein
8
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le 23 sept. 2020

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Freddy Klein

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