Regarder Rocketeer à l’heure où les super-héros ont envahi les écrans et se sont imposés auprès du grand public rappelle que leurs aventures ne sont pas incompatibles avec le cinéma défini non comme un simple médium, mais comme un art à part entière, un art qui bricole, qui cherche les procédés techniques capables de donner vie à un rêve, préoccupation qui semble avoir disparu aujourd’hui dans les productions à la chaîne des écuries Marvel et DC. Nul hasard, par conséquent, si le personnage des Avengers disposant du meilleur long métrage n’est autre que Captain America, qui sera mis en scène par Joe Johnston, le réalisateur de Rocketeer auquel il reprendra bon nombre de caractéristiques, à commencer par sa conception de l’héroïsme et un divertissement « à l’ancienne ». Car le présent film est pourvu d’une magie engendrée, ce qui peut paraître paradoxal, par ces amas de ferrailles recomposés, par le cambouis qui recouvre le visage du jeune aviateur, par tout ce qui confère un sentiment d’authenticité.


Et qu’est-ce que Rocketeer, sinon une course à l’authenticité ? Course déclinée sous des aspects divers : il y a l’authenticité du héros national opposé au méchant nazi qui troque son âme contre de l’argent – « en dollars ou en Deutsche Mark ? » –, héros qui prend la pose devant le drapeau de l’Oncle Sam avant d’aller cramer celui d’Adolf ; il y a l’authenticité de l’amour, celle qui fait triompher le véritable amoureux et détruit le simulateur ; il y a l’authenticité du service national individuel contre les illusions hollywoodiennes, la révélation d’un véritable Américain et d’un métier en accord avec les valeurs patriotiques – l’aviation – contre l’acteur emperruqué qui joue au mousquetaire. Joe Johnston s’amuse à disqualifier les chimères conçues par Hollywoodland alors qu’il inscrit son geste artistique tout entier dans un cinéma hollywoodien traditionnel, dans la conviction que l’action sans nobles motivations n’est que ruine de l’âme, et de l’art.


Rocketeer est un film engagé, et il a le droit de l’être. Rocketeer est également un film qui marche dans l’ombre d’un autre héros : Indiana Jones. Comment ne pas penser à la trilogie de Steven Spielberg, dont le troisième volet est sorti en 1989, soit deux ans avant notre homme volant ? Le contexte nazi rappelle La Dernière croisade et son Ulm, le combat sur le toit du véhicule évoque Les Aventuriers de l’arche perdue, l’hélice en moins. La virtuosité en moins. Car si le film est efficace, il manque d’audace et se contente de suivre une trajectoire scénaristique des plus balisées, empêchant toute surprise véritable de voir le jour. Et si la dimension comic book apporte un souffle nouveau bienvenu – le géant semble tout droit sorti de l’univers de Dick Tracy –, elle ne suffit pas pour donner à Rocketeer le souffle dont il a besoin. Reste une œuvre divertissante et bien mise en scène, portée par la splendide partition musicale de James Horner.

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le 5 avr. 2020

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