Aventures, mystères, personnages hauts en couleur et pays exotiques : l'univers d'Hergé et celui de Spielberg se rejoignent à la perfection, les deux partageant une vision narrative similaire. Sauf que Tintin il y a soixante ans n'était déjà un modèle de modernité et qu'en 2011, le moralisme parfois rance du discours d'Hergé nous explose en pleine face sous la caméra du réalisateur. L'argument "âme d'enfant" va bien entendu être brandi à tout va, ne pas aimer le petit blondinet à la houppette constituant un crime de lèse-majesté grandement punissable.
L'âme d'enfant, parlons en. Les contes et les revisites de ceux-ci dans leurs parts à la fois féérique et sombre (Coraline, Max et les Maximonstres, James et la pêche géante, etc.) ont enfin proposé ces dernières années une approche de l'enfance qui ne soit pas régie sur le seul modèle dichotomique bien et mal tout comme l'ont également fait Pixar et autres Ghibli. Pendant ce temps, les productions Amblin elles, depuis que Joe Dante et Robert Zemeckis ont plus ou moins quitté le navire, s'égarent dans une nostalgie pesante, enchaînant les métrages insipides dont le dernier en date, Super 8, en est le parfait exemple.
Les aventures de Tintin arrive donc à point nommé pour s'inscrire dans cette phase descendante, tonton Spielberg semblant avoir tellement peur d'abîmer son matériau de base qu'il ose à peine y toucher. Quelques ajustements scénaristiques – une histoire de vengeance improbable à travers les siècles entre les lignées de Rackham Le Rouge et des Haddock – c'est tout ce à quoi l'on aura droit, le reste n'étant qu'un enchaînement de scènes d'action au rythme neurasthénique. Car l'on retrouve dans Les aventures de Tintin les mêmes faiblesses que dans le dernier opus d'Indiana Jones : l'alternance de séquences de courses-poursuites et de bastons n'est en aucun cas une formule magique permettant de sauver un film d'un ennui profond lorsqu'il n'y a aucun enjeu émotionnel.
Alors à défaut d'avoir un scénario de film d'aventures tenant la route, on pourra toujours admirer les prouesses techniques de la performance capture sur le rendu des textures, des regards ou de la gestuelle. Oui c'est joli. Sauf que depuis Cameron et son Avatar qui avait au moins compris malgré les imperfections de son histoire que la technique doit être au service d'un film et non l'inverse, on fait de nouveau un saut en arrière avec Les aventures de Tintin. Sans compter qu'ici l'utilité de la 3D est plus que discutable. Spielberg en rajoute donc sur les gros plans, s'attardant inutilement sur des détails esthétiques là où l'on aurait préféré qu'il en profite pour insuffler une humanité à ses personnages secondaires comme les Dupont et Dupond ou le méchant Sakharine. Andy Serkis est par ailleurs bien le seul à tirer son épingle du jeu en interprétant un Capitaine Haddock gaffeur, sensible et habité.
Les aventures de Tintin apparaît de fait comme un film ayant parfaitement rempli son cahier des charges pour à la fois être fidèle à Hergé tout en s'imposant comme un blockbuster d'action, consensus mou permettant de mettre d'accord tintinophiles de la première heure et néophytes. Et prouvant du même coup la capacité de Spielberg à éviter consciencieusement toute prise de risques. Problème : âme, d'enfant ou non, le film s'en retrouve au final complétement dépourvu.