Beau canevas de départ : Gary Cooper, ses yeux bleus et les Everglades floridiennes.


L'affiche : des crocodiles (très méchants), un sauvetage héroïque (femme en robe rouge dans les bras, un couteau entre les dents) et une pelle (à la même femme en robe bleue, mais un pistolet à la main - le danger est vraiment partout dans ce film !).


Vous découvrirez ici l'histoire d'un capitaine solitaire qui vit sur un îlot paradisiaque entre 2 exploits héroïques. Voici en gros la promesse du pitch. Mais voilà, la réalisation, et son parti pris narratif d'entrer dans l'histoire par la voix off d'un second rôle, en fait des tonnes sur la présentation de ce "seigneur de coeur et de guerre" incarné par Cooper. Et pour convaincre le spectateur, l'acteur va devoir se hisser à la hauteur de cette "légende" sans l'aide du scénariste (visiblement parti en RTT).


Et malheureusement la réalisation est tout aussi incapable d'apporter l'héroïsme promis par l'affiche. Dès le départ, on est limité par le format 35mm assez mal employé. La réalisation, axée sur les protagonistes, laisse trop souvent les décors de côté sans chercher à inscrire l'action dans ce qui est pourtant la caution exotique de l'ensemble. L'oeil reste trop souvent sur sa faim. Quelques années de patience et Walsh aurait pu magnifier son film avec un format cinémascope comme c'est le cas pour son western "Les Implacables" de 1955.


Mais ici, c'est aussi le découpage du scénario qui est à incriminer. Par exemple : l'affrontement promis dès les premières minutes du film avec les contrebandiers (siégeant dans une forteresse prétendument imprenable) est expédié en quelques plans et sans grande tension. Les tourelles de carton pâte manquent de tomber au simple lancée d'une corde, enlèvant un peu plus de la charge héroïque du moment. Au final, la séquence, paraît trouver sa justification principale par d'introduction du personnage féminin qui restera cantonnée au rôle de demoiselle en péril sauvée de son donjon.


La suite s'étale sur la même facture : les contrebandiers disparaissent du tableau comme par magie, les indiens séminoles, dans de jolis costumes chamarrés, n'inspirent pas la terreur promise par la voix off, les circonvolutions de nos héros dans les marais sont de simples prétextes pour caser la dose de romantisme qui justifie la présence de Mari Aldon. L'affiche n'avait pas menti : l'aventure du capitaine Wyatt c'est de sauver une femme d'un donjon et des crocodiles pour remporter le droit de l'embrasser.


Naturel dans ce cas que les seconds rôles manquent d'intensité et de caractérisation et que les scènes d'actions soient purement décoratives. Même Gary Cooper semble s'ennuyer pendant les combats où il prend la pose sans grande conviction. L'air ailleurs, le superbe Gary donne dans l'ensemble une prestation assez inégale. Reste qu'on lui doit quelques beaux moments dans les scènes de fin...


Ce détour par les Everglades et ses crocodiles passe trop vite et ne laisse pas derrière lui le souffle épique qui aurait pu emporter ce film. Seul cadeau à la postérité (en dehors du plaisir sans prix de voir Gary Cooper) semble bien le [Cri Wilhelm][1] qui traverse les années pour symboliser ma petite déception devant ce film qui peine à tenir ses promesses.


Mais on ne peut vivre toute sa vie "rongé par la rancune et le désir de vengeance". C'est Gary qui le dit, alors moi, je le crois... ou presque !


[1]: https://fr.wikipedia.org/wiki/Cri_Wilhelm : le cri de l'homme dévoré par un crocodile

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le 26 mai 2016

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