Akira Kurosawa est un cinéaste qui a la capacité de faire des films longs mais passionnants et rythmés de bout en bout. Cependant, il lui arrive parfois de s'embrouiller et de produire quelque chose d'assez lourd. C'était le cas pour l'un de ses premiers films, et c'est également le cas pour Les Bas-Fonds, ce qui nuit fortement à l’expérience cinématographique.


Je ne sais pas si cela vient de la pièce de Maxime Gorki, mais l'ensemble tourne très rapidement en rond. J'imagine que cela représente la fatalité qui pèse sur les personnages, leur incapacité à se sortir de leur situation misérable, mais c'est profondément ennuyant. Le réalisateur propose du début à la fin la même chose, c'est à dire des disputes entre des pauvres amers et égoïstes. Au début, il y a une certaine fascination à voir chaque personnage magouiller dans le but d'enlever le pain de la bouche des autres, mais quand on constate que rien n'évolue, l'ambiance déprimante du film devient communicative. L'intrigue principale, celle du personnage de Toshiro Mifune, maintient quand même un certain niveau d'intérêt, mais une fois qu'elle se termine, le film continue pendant une grosse demi-heure alors qu'il n'a strictement rien à raconter.


Kurosawa utilise quand même le matériau de base pour construire efficacement son film en huis clos. Le dortoir dans lequel se déroule l'intrigue paraît complètement délabré, et toutes les lignes obliques rendent l'endroit sordide. De plus, l'utilisation de cet espace est brillante : le réalisateur emploie la profondeur de champ pour mettre en scène les dialogues. Une discussion qui se déroule au premier plan peut ainsi avoir des répercussions sur les oreilles indiscrètes situées au second plan, voire à l'arrière plan. Il arrive même que des personnages s'avancent vers le premier plan pour interrompre la discussion. Grâce à ce système, les intrigues se nouent et se dénouent avec une facilité déconcertante.


Malheureusement, cela ne suffit pas pour rattraper les défauts susmentionnés, auxquels s'ajoute un trop plein de personnages secondaires difficiles à distinguer les uns des autres à cause de leur manque de personnalité et d'impact dans l'histoire. Bien qu'il soit loin d'être un ratage, Les Bas-fonds s'affirme timidement comme un Kurosawa mineur, dont la narration alourdit le propos déjà pesant.

MemoryCard64
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ces acteurs qui se sont aimés dans plusieurs films

Créée

le 2 mai 2016

Critique lue 572 fois

5 j'aime

MemoryCard64

Écrit par

Critique lue 572 fois

5

D'autres avis sur Les Bas-fonds

Les Bas-fonds
abscondita
7

"Buvons du saké et faisons la fête!"

Après L’Idiot qui s’inspirait de l’œuvre de Dostoievsky et Le Château de l’araignée qui s’inspirait du Macbeth de Shakespeare, Kurosawa adapte à nouveau une œuvre issue de l’étranger, une pièce de...

le 24 mars 2023

12 j'aime

5

Les Bas-fonds
Bung
6

Salauds de pauvres

Vaille que vaille, nos petites aventures dans le passé glorieux du cinémââââ apporte son lot de va et vient aléatoire, au gré des vagues promotionnelles qui titillent l'esprit, alors bien sûr quand...

Par

le 28 mars 2018

6 j'aime

Les Bas-fonds
Eric31
8

Critique de Les Bas-fonds par Eric31

Les Bas-fonds est un drame social japonais réalisé par Akira Kurosawa, coécrit par Hideo Oguni d'après la pièce de Maxime Gorki (créée en 1902) qui met en scéne dans un quartier insalubre du Japon...

le 9 févr. 2017

5 j'aime

1

Du même critique

Les Malheurs de Sophie
MemoryCard64
5

Le plus grand damage control de 2016 ?

Les Malheurs de Sophie fait partie des quelques romans qui m'ont donné le goût de la lecture plus jeune. J'ai donc un attachement tout particulier pour cette histoire et l'attendais au tournant...

le 27 avr. 2016

13 j'aime

2

T'aime
MemoryCard64
1

T'aime T'aime et nanar

"Gontieeeeeeeer ! Hé ! GONTIEEEEEEEEEER ! Gontier c'est à toi qu'je parle ! Comme tes avocats ont décidé que j'pouvais voir ma fille que demain et qu'c'est ce soir... qu'j'ai envie lui dire que je...

le 26 oct. 2016

10 j'aime

4