C’est presque un conte fantastique, de ces films qui semblent à mi-chemin, en équilibre instable entre rêve et réalité, qui prennent un point de départ réaliste et finissent par divaguer, transformant l’image en passeport vers un monde d’illusions. Les Bêtes Du Sud Sauvage résonne en écho à cet ouragan titanesque qui a massacré la Lousiane et révélé au monde l’inaction de l’administration Bush, face aux périls que recontrait alors la population pauvre du bayou qui avait le plus besoin de lui. Les Bêtes Du Sauvage montre à nos yeux critiques deux sociétés qui se voient sans jamais se regarder : ceux du Bayou qui sont pauvres, vivent au milieu de l’eau mais ont trouvé le bonheur d’une communauté solidaire, ceux qui vivent au sec, qu’on voit peu et qu’on imagine à l’opposé.

Hushpuppy est une trop mignonne petite fille à la coupe afro vraie de vraie qui vit avec son papa dans le bayou. Leurs conditions de vie sont plus que précaires, l’hygiène, le confort et la technologie sont exclus de leur univers. Mais Hushpuppy et papa ont beaucoup plus, le lien. Le lien entre les pauvres qui peuplent se bayou, ce lien qui se renforce quand le bien fait défaut en d’autres thermes : plus d’être et moins d’avoir. Comme nous le savons tous, le réchauffement climatique (oui Claude, je sais, c’est du pipo tout ça, lâche-moi et retourne dégraisser !) fera des plus pauvres d’entre nous les premières victimes d’une inexorable montée des eaux et c’est là-dessus que le réalisateur tente d’attirer notre regard souvent vide d’empathie.

Benh Zeitlin fascine par la facilité de faire beaucoup avec rien, par une image de rendre la notion de beau totalement subjective. Hushpuppy et papa vivent dans des conditions effroyables qui pourtant ne sont absolument pas repoussantes, le laid devient beau. Cet univers vu à travers les yeux rêveurs d’une petite fille frondeuse au caractère en acier trempé fascine et nous ramène à ces légendes qui peuplent les zones rurales du monde entier. Animaux fantastiques, sorciers, fées et magiciens ou encore enfants élus par une prophétie quelconque. La baignoire devient le lieu de naissance de la légende de Hushpuppy, lutin à la peau noire qui verra papa grognon mangé par la maladie et tiendra tête à des aurochs gros comme des camions. La baignoire devient l’expression d’une Nature devenue hostile, car violentée par la main d’un Homme tellement sûr que sa technologie lui viendra secours et qui se retrouve finalement dépassé par l’ampleur des dégâts.

Film critique, film engagé mais aussi film peinture car capable d’embellir. Les Bêtes Du Sud Sauvage s’en prend aux inégalités croissantes, à la pseudo supériorité de l’homme moderne et d’un mode de vie qu’il entend imposer, on est presque choqué de voir notre lutin enfiler une robe. Ce film prend le parti de faire de l’ouragan sur la Nouvelle-Orléans le premier signe violent du réchauffement. Plus qu’un film c’est une parabole que nous regardons, espérons qu’elle ne se transformera pas en prédiction.
Jambalaya
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le 11 janv. 2014

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Jambalaya

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