Ce film me marque, reste en moi. Cela fait à peine quelques heures que j'ai vu le film, et je sens déjà les images qui me restent en tête, les paroles des personnages qui raisonnent encore en moi, la musique qui vibre dans mon corps et cette atmosphère qui m'emporte, qui englobe mon humeur, mon comportement, mes faits et gestes, mon rapport aux gens, mon regard sur le dehors, sur les individus. Hier soir je ne souhaitais pas écrire, je n'en avais pas envie. C'est seulement maintenant, et alors que je me rends compte que je suis tombé sur un des plus beaux films de ces dernières années, que j'ai envie de me poser, de prendre un peu de recul, sans toutefois y parvenir totalement. C'est sans doute encore trop tôt mais qu'importe.


Ce film est d'une réelle noirceur dans le propos, dans la manière dont celui-ci est porté par certains personnages. Mais ce n'est qu'un masque, un moyen de détourner notre regard, de se moquer un peu de nous finalement. Le réalisateur, Benh Zeitlin (qui compose également la musique du film) a le talent de se jouer de nous, de nous emmener là où nous l'attendons pas. Il complote contre nous afin de mieux nous agripper.


Parce que dans le fond, ce film est une ode à l'espoir, à la reconstruction, à l'après, à regarder toujours devant, à ne pas accepter les choses comme elles sont. Oui. Ce film est plein d'espoir, de questionnements sur notre place sur la terre, notre situation géographique, notre positionnement sociale, mais aussi notre ancrage temporel. Qui sommes nous ? Que faisons nous ? Ou allons nous ? Et sans doute la question la plus importante, qu'est-ce qui importe ?


À travers une fable post apocalyptique, sur fond de catastrophisme météorologique et environnementale, ce film nous narre une atmosphère post Katrina de la survie, du repli familial et communautaire. On observe un refus de l'assistance, un choix délibéré de rester avec les siens, de ne pas perdre son bout de terrain, sa maison, de ne pas renoncer à ce qui nous défini, à ce que nous sommes, en clair, à ce qui importe, à ce qui est essentiel.


C'est l'histoire du fidjien qui subira la montée des eaux, qui devra fuir son habitation, son peuple, son mode de vie. C'est l'histoire des colonisés subissant la loi de l'envahisseur et qui résistent tant bien que mal. C'est l'histoire du dominé qui subit. Bref, c'est la loi du plus fort, c'est l'origine des espèces. Cette histoire nous traverse tous, nous parle tous, nous questionne et nous interroge.


Benh Zeitlin nous livre ici un récit philosophique savamment servi par une esthétique exemplaire, une lumière des fins de journées, des fins du monde, du Bayou perdu de Louisiane. Une ambiance entraînante, pesante, émouvante, mais aussi en même temps pleine d'énergie, comme si finalement rien ne pouvait arrêter le pas en avant et l'avancer de la nature, comme si rien ne pouvait empêcher l'homme de ne faire qu'un avec avec la nature, de l'accepter, comme elle est, dure et cruelle, mais honnête et vraie. Quant à la réalisation, celle-ci est flottante, à hauteur d'homme, la tenue de la caméra nous inscrit dans le récit, comme si nous étions un personnage à part, un observateur qui vit l'action au plus près, qui vit avec les personnages, qui existe à travers eux, qui se nourri d'eux. Cette manière de tourner autour des personnages me fait beaucoup penser à Terrence Malick, qui lui aussi à ce toucher, cette capacité à nous faire figurer dans le récit.


Ce film est une merveille, une fable intemporelle sur un monde à part qui finalement nous permet de nous y retrouver, d'être, à nouveau.

Créée

le 13 janv. 2016

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Panda Bear

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