En lisant la critique française hautement enthousiaste qui salue tout à la fois "un conte de fée, un film d'horreur, une romance, une comédie musicale et une parabole sociale en un seul film", je me suis empressée de visionner ce "bijou".
Bijou oui, mais en forme de navet : malgré certaines qualités purement esthétiques, le film est tout d'abord incroyablement mal joué, ce que j'espère être une ultime rébellion désespérée de la part des acteurs face à l'aberration scénaristique.


En connaissant un tant soit peu la situation politique et sociale brésilienne, ici très maladroitement personnifiée en deux femmes que tout oppose, on ne peut pas croire une seule seconde à cet amour expéditif aussi mal amené qu'une bonne intention.


De fait, comment croire à la relation amoureuse entre Clara, femme noire précaire issue des favelas de Sao Paulo, et d'Ana, riche héritière d'une famille blanche enceinte d'un inconnu et profondément instable ? Comment Clara peut-elle une seule seconde s'identifier à l'insupportable Ana ? Comment peut-elle éprouver une attirance solide pour une femme qui lui montre très franchement son sentiment de supériorité, qui manque de lui arracher la langue lors de leur premier pseudo baiser et qui dévore des chats dans la pénombre ? Comment peut-elle, si ce n'est pas intérêt (mais Ana est bientôt incapable de payer son loyer, le motif intéressé ne tient donc même pas), souhaiter une relation avec une femme qui représente à elle-seule l'égocentrisme propre des hautes sphères de Sao Paulo ?
Par conséquent, la scène de sexe entre les deux femmes arrive comme une bouquet de fleur sur une bouse, et achève de ridiculiser tout le reste de la narration.


La haine aurait été bien plus crédible et signifiante que ce marasme graphique.


Le motif initial du film étant déjà critiquable, le reste ne peut alors qu'être bancal, voire franchement
ridicule.


Outre le fait que les scènes fantastiques soient particulièrement mal réalisées et peu crédibles, jetant le film dans la catégorie du nanar, rien ne tient :


comment Clara peut-elle se prendre de pitié pour l'ignoble monstre qui a éventré le pseudo amour de sa vie ? Comment peut-elle ne jamais être interpellée par la police qui ne mène aucune enquête sur le décès particulièrement violent d'Ana, qui je le rappelle, est une femme riche des beaux-quartiers.


Une fois l'origine du mal mal balancée de manière expéditive dans une tentative de cinéma d'auteur,


à savoir la parenté loup-garou du foetus,


on sombre dans un film idiot, voire franchement choquant. Outre la stupidité sans nom de tous les personnages


(pourquoi forcer le gamin à manger de la viande ? Pourquoi les gamins vont-ils dans le centre commercial de nuit ? Pourquoi la femme du centre commercial (qui est noire de surcroît) accepte-elle de faire passer les gamins pour les siens ? Pourquoi la foule de la fin n'ouvre-t-elle pas simplement la porte qui est fermée de l'extérieur ? etc.)


c'est également le fond bien-pensant qui blesse : rien n'est crédible dans ce Sao Paulo tantôt désertique (la ville est quand même peuplée de 23 millions d'âmes pour rappel), tantôt féerique (oh la jolie verdure avec vue sur le pont Octávio Frias de Oliveira qui traverse l'immonde rio Pinheiros), tantôt carrément niais (la représentation de la petite favela dans la prairie donne la gerbe tant elle est insultante). La représentation du peuple type idiot et revanchard sauce 18ème siècle traduit finalement l'égo et le paternalisme latent des deux réalisateurs qui semblent certes vouloir faire du cinéma d'auteur, mais sans se doter auparavant d'une réflexion politique suffisante ainsi que d'un scénario un tant soit peu crédible.
La critique française (devrais-je dire parisienne ?) particulièrement bienveillante ne semble finalement être que le pendant de cette niaiserie paulistana, où l'on s'imagine que représenter des lesbiennes suffira à taire le fond politique/social qu'il prétend soulever.


Bref, si vous désirez appréhender le cinéma brésilien, passez votre chemin. Ce film est un navet sans nom, et prétentieux qui plus est.

Kualaimpure
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le 30 sept. 2019

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Kualaimpure

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