Le sujet en or, c’est bien sûr celui du dépassement de soi d’un groupe de pauvres garçons en détention — pardon, en rééducation — par la découverte et la pratique du chant choral.


Le film, hélas, est nul à tout point de vue.


De façon générale, il empeste la moraline à plein nez. Et que je te place une ébauche d’histoire d’amour qui sert à rien, sinon peut-être à signifier au public « Non, messieurs, dames, on vous rassure : le personnage de Jugnot n’est pas pédophile » — le gros cliché qu’en France on colle volontiers au front des mélomanes amateurs de chœurs d’enfants, et bien sûr des chefs de ces formations. Voir aussi la scène des toilettes. Qu’est-ce qu’on en a à faire ? À la limite, c’est même le contraire qui aurait pu être intéressant : un prof de chant pédophile, mais pas de passage à l’acte, grâce à la sublimation par la musique, tout ça… Créer une ambiguïté. Voilà au moins qui aurait pu être original. Enfin, bon, pour un film sans autre ambition que celle d’être une comédie familiale, le mieux eût encore été de ne tout simplement pas aborder la question, surtout si c’était pour le faire de façon aussi inutile que lourdingue.


Le scénario ? Minimaliste et cousu de fil blanc, bien sûr.


Musicalement ? Le play-back n’est pas transcendant, même si cela aurait pu être pire. D’ailleurs, je pensais que c’étaient les jeunes acteurs qui allaient chanter, vu le nombre de garçons bien en chair pour des enfants d’après-guerre : naïvement, je pensais que c’était en raison de la difficulté de trouver en 2004 dans les maîtrises françaises des garçons à la fois maigrichons et capables de chanter correctement. Jusqu’à ce que je constate qu’en fait ils chantaient en play-back ! Euh… mais alors… puisqu’il s’agissait finalement de ne recruter que de jeunes acteurs (Jean-Baptiste Maunier excepté), il n’était pas possible de réunir pour les besoins du film une trentaine de jeunes comédiens un peu plus doués que ceux que l’on voit à l’écran et d’une corpulence réaliste ? Ou au moins de faire en sorte que l’invraisemblance ne se voie pas trop en évitant de mettre ces enfants torse nu ? Le plus drôle est que le seul vrai chanteur, lui, pourrait avoir été un gamin de l’époque, sec comme un coup de trique.


Sinon, Maunier chante assez bien, c’est vrai, sans qu’il y ait de quoi sauter à plafond, cela dit — faut vraiment ne rien connaître aux maîtrises européennes pour le trouver exceptionnel. D’ailleurs, il suffit là encore de s’y connaître un peu, sans même besoin d’avoir l’ouïe fine, pour reconnaître très vite des timbres féminins parmi les choristes du film…
Eh oui, passé dix ans, les voix de filles et les voix de garçons diffèrent de façon très perceptible, puisque même auprès d’un public n’y connaissant rien plusieurs études en aveugle débouchent sur un taux d’identification correct dans 60 % des cas environ entre voix chantées de filles et de garçons, soit un taux sensiblement supérieur à ce qu’aurait donné le seul hasard. Bien sûr, chez des personnes averties, ce taux serait nettement supérieur encore.
Alors, je n’ai rien contre les Petits Chanteurs de Saint-Marc, qui mêlent garçons et filles, mais pourquoi le choix des équipes du film, pour des raisons de vraisemblance, ne s’est-il pas porté vers une maîtrise purement masculine ? Les Petits Chanteurs à la croix de bois, par exemple, comme dans la Cage aux rossignols, le film original dont les Choristes est le remake.


Au chapitre musical, toujours, la scène du classement vocal par le professeur de musique est vraiment consternante. Pour commencer, il est très hasardeux de se fonder sur une courte chansonnette pour procéder à un classement vocal (soprano, mezzo-soprano, alto, ténor, baryton, basse). Ensuite, si on comprend bien, le professeur place à gauche les sopranos-altos, à droite les ténors-basses — le pauvre, il va pas en avoir beaucoup. Très bien, mais alors pourquoi envoie-t-il à droite le soprano à la voix la plus aiguë ??? Le petit maréchaliste est quant à lui envoyé simplement à gauche, sans indication de sa tessiture supposée (il va donc chanter quoi ? ça, c’est de la pédagogie !)… Soprano, alto, au pif, avec au moins une erreur évidente. La scène a dû être en partie improvisée, je suppose, et Jugnot à l’évidence n’a pas beaucoup d’oreille. Et le clou du concert à la fin, c’est pas la Nuit de Rameau, mais Hymne à la nuit, d’après Jean-Philippe Rameau, harmonisation réalisée par Joseph Noyon au siècle dernier d’un thème du compositeur du XVIIIe.


Quant aux autres pièces de musique chorale, c’est gentillet. Le problème, c’est que Coulais fait du Coulais sans apparemment se préoccuper un instant de savoir si c’est stylistiquement vraisemblable pour des morceaux censément écrits à la fin des années 1940. On pourra toujours dire, oui, d’accord, mais c’est un petit professeur de musique sans prétention, il écrit un peu comme il a envie… Soit, mais ce serait une réponse un peu faible tout de même. Le public s’en fiche, du réalisme ? Comme d’entendre du Hændel (1685‒1759) dans Vatel, dont l’action se déroule en en France en 1671, je suppose… C’est peut-être vrai, mais pas moi. Et ça m’énerve qu’au prétexte de l’ignorance supposée des gens, fût-elle vérifiée dans bien des cas, on serve de la merde à ces derniers. Voilà à mes yeux un profond manque de respect.


J’ai failli mettre 1 ∕ 10. J’ai finalement mis 2 pour Berléand et pour Maunier en tant que chanteur.

Dinozor
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le 16 avr. 2018

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Dinozor

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