La comédie française, actuellement en lente phase de régression, continue néanmoins de voir l’émergence de nouveaux cinéastes proposant une nouvelle donne, combinant originalité et humour grand public (à l’image de Noémie Llovsky, Bruno Podalydès, Valérie Donzelli...).
Loin d’être culte instantané ou film phare du genre, Les Combattants mérite néanmoins le détour pour sa mixité thématique aussi bien que pour son aspect fin, léger, au mieux poétique qu’il n’est pas coutume de découvrir régulièrement sur nos écrans. Sur fond d’un univers militaire peu connu et montré au cinéma, Thomas Cailley met en scène une touchante histoire de relation entre deux jeunes adultes ambiguë et contradictoire, jamais ridicule mais rendue subtilement drôle (d’un humour grinçant) et renversante. De l’amour, certes, mais entre suggestion et absence. Deux êtres aux pôles opposés se rencontrent lors d’un stage pour intégrer l’armée : Elle est aussi musclée que Laure Manaudou et a un comportement éminemment viril. Il est un vieil adolescent calme et serein manquant de résistance et de confiance en soi.

En affrontement pendant les deux tiers du film, Arnaud et Madeleine vont faussement se détester, fuir chacun de leur côté tout en maintenant une attirance réciproque quasi invisible. De l’entraide, de la compassion naissent dans l’apparent cœur de pierre de Madeleine, jusqu’à se retrouver honnêtes et non refoulés. Dans un troisième acte sidérant de justesse et de beauté, Thomas Cailley donne à ses interprètes un caractère primitif dans un milieu forestier réaliste glissant vers une irréalité rêveuse et cauchemardesque. La pluie de cendre de l’incendie tombe comme des fleurs fanées, engloutit peu à peu Arnaud et Madeleine dans une atmosphère de fin du monde proprement glaçante.

Si la dernière partie des Combattants reste de loin la meilleure et la plus surprenante, on pourra tergiverser sur les deux précédentes : usant de dialogues drôles et intéressants, une perte de régime peut se faire ressentir malgré l’excellent jeu des comédiens. Nous n’avons pas affaire ici à une belle perle d’écriture, mais certainement à un beau jeu de comportements, de regards, de situations absurdes et rocambolesques (scènes de la sardine, des poussins ou des fausses grenades) venant troubler les fondations présumées de cette comédie révélant progressivement ses surprises et sorties de sentier. Porté par une Adèle Haenel au sommet de son talent et un jeune Kévin Azaïs bien prometteur, Les Combattants à tout de l’étoffe non formaté du renouveau de la comédie française. Aux dépends de quelques ralentissements narratifs, le film revêt finalement ses atouts pour secouer, inquiéter et tirer le sourire comme les rires à un public non particulièrement visé, grâce à une portée universelle saisissante. Il ne faudrait pas s’en priver en ces vacances estivales peu riches en comédies de qualité.
Forrest
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le 23 août 2014

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