Pas de larmes à déplorer pour Madeleine, derrière ses mèches blondes se planque un tempérament d’acier, des poings rompus à la bastonnade et une mâchoire fermée, qui ne consent à se relâcher qu’à l’occasion de quelques maximes acerbes à propos du monde et de son instabilité. Crise financière, écosystèmes en danger, puissances guerrières potentiellement dévastatrices, elle en est certaine, la fin du monde moderne, c’est pour bientôt. Et ce n’est pas son master en macroéconomie qui la fera manger quand le retour à la terre deviendra nécessité pour survivre.

Sous ses airs de satire militaire, de récit initiatique comique, le premier film de Thomas Cailley déroule la naissance d’une histoire d’amour touchante parce que construite dans la distance, évitant tous les stéréotypes souvent inhérents à ce genre d’histoire. Où comment les mécaniques de l’attraction semblent être parfois aussi simples que la règlent énonçant la parité de deux polarités contraires. Et si la limite de son propos se situe peut-être dans ce taillage des deux contraires au burin gaulois, la relation amoureuse qui se tisse dans un microcosme naturel coupé du monde réussit à émouvoir.

Cette sincérité à l’origine de la mouvance des deux jeunes oiseaux embarqués dans une spirale émotionnelle faite d’exercices militaires et de jeux d’esprit juvéniles permet aux approximations de l’ensemble de ne pas trop handicaper ce premier film. Car Les combattants souffre parfois de la jeunesse de son réalisateur, qui transparaît notamment de sa main un peu légère en matière de direction d’acteurs : hormis la jolie Adèle Haenel qui s’en sort plutôt bien, même si elle force parfois un peu trop les traits de son personnage de mouton noir endurci, on est souvent au royaume de l’à-peu-près en matière de dialogues, ce qui donne aux images un côté théâtral un peu gênant.

Les combattants fait toutefois l’effet d’une respiration rafraichissante. Y transpire une belle sensibilité à dépeindre la fin d’une adolescence marquée par la confirmation de repères tout droit hérités d’une éducation sans anicroche. Entre chemins de vie rassurants, et futur incertain, il n’est pas toujours évident de mettre un pied devant l’autre l’esprit serein. Alors à défaut d’être totalement en paix, il est rassurant de pouvoir miser sur deux paires de jambes au lieu d’une, histoire de doubler les chances de faire le bon choix au prochain carrefour et s’offrir ainsi la possibilité d’aller un peu plus loin.
oso
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes L'ours, Homo Video, en 2015 et Mes 7 parfaits

Créée

le 8 févr. 2015

Critique lue 695 fois

18 j'aime

oso

Écrit par

Critique lue 695 fois

18

D'autres avis sur Les Combattants

Les Combattants
eloch
8

Trois mondes

Quand elle débarque dans la vie d'Arnaud, Madeleine est comme un ouragan, un orage. Lui, il est du premier monde, perdu entre le refus de se projeter, une envie d'envol et le maintien de l'entreprise...

le 10 juin 2014

58 j'aime

14

Les Combattants
Docteur_Jivago
7

Un été presque tranquille...

Auréolé d'une excellente réputation glanée au festival de Cannes (où il remporte quatre prix), "Les Combattants", premier film de Thomas Cailley, nous fait suivre Arnaud, jeune homme plutôt...

le 30 août 2014

37 j'aime

6

Les Combattants
pphf
7

La fin du monde les a frôlés ...

Du bois dont on fait les cercueils … C’est le très étonnant, très décalé prologue des Combattants – le cercueil proposé pour le père ébéniste, par une entreprise spécialisée, est fabriqué dans un...

Par

le 28 août 2014

25 j'aime

Du même critique

La Mule
oso
5

Le prix du temps

J’avais pourtant envie de la caresser dans le sens du poil cette mule prometteuse, dernier destrier en date du blondinet virtuose de la gâchette qui a su, au fil de sa carrière, prouver qu’il était...

Par

le 26 janv. 2019

81 j'aime

4

Under the Skin
oso
5

RENDEZ-MOI NATASHA !

Tour à tour hypnotique et laborieux, Under the skin est un film qui exige de son spectateur un abandon total, un laisser-aller à l’expérience qui implique de ne pas perdre son temps à chercher...

Par

le 7 déc. 2014

74 j'aime

17

Dersou Ouzala
oso
9

Un coeur de tigre pour une âme vagabonde

Exploiter l’adversité que réserve dame nature aux intrépides aventuriers pensant amadouer le sol de contrées qui leur sont inhospitalières, pour construire l’attachement réciproque qui se construit...

Par

le 14 déc. 2014

58 j'aime

8