Voici un cinéaste populaire qui tente des choses, certes il ne réussit pas tout ce qu’il entreprend mais il essaie ce qui est déjà énorme. Sur le papier, Les conquérants ressemble à une pléiade d’autres films prenant pour ancrage un cadre social modeste et pour thématique le deuil du père et la retrouvaille entre frères. Xabi Molia s’extraie du piège béant en livrant un petit ovni, léger et soigné, dans la veine de ce que les frères Larrieu (Les derniers jours du monde) peuvent aussi nous concocter. C’est le deuxième film de ce jeune cinéaste, après Huit fois debout, comédie sociale barrée plutôt intéressante sans être sensationnelle, mais il y avait une identité, le film laissant une mince emprunte, suffisante pour être curieux de voir ce que le réalisateur allait nous réserver plus tard. C’était un film en surplace, un poil plus naturaliste (moins fou) que ce dernier, où Julie Gayet et Denis Podalydès s’en donnait à cœur joie dans leurs rôles de clowns tristes. Mais je ne m’en souviens plus très bien. Les conquérants démarre lui aussi dans ce contexte social délicat : Galaad (Excellent Denis Podalydès, comme d’habitude) est acteur de théâtre sans ambition, trop morne sur les planches il est sur le point de voir le rôle de Scapin dans une pièce de Molière lui échapper. Noé (Immense Mathieu Demy) est entraineur d’une équipe de football niveau CFA, antipathique à ses exigences puisqu’il leur enseigne les vertus d’une conscience politique, mais s’apprête à jouer l’histoire de son club dans un huitième de finale de coupe de France extrêmement important. Tous deux ont gros à jouer et tous deux vont évidemment perdre. Tous deux sont frères, enfin, demi-frères. Galaad échoue dans chacune de ses relations amoureuses et est attient d’une grave maladie. Noé n’a pas du tout de relation amoureuse, se braque systématiquement, trop sûr de lui professionnellement – Il est persuadé de bientôt entrainer une équipe espagnole. Ce n’est pas la partie du film la plus intéressante, assez mécanique, elle prépare pourtant la seconde en renouant les liens entre les frères qui jusqu’ici se fuyaient mutuellement. « On n’a pas grandi ensemble » répète inlassablement Galaad. Oui mais voilà, cette étape de leur vie annonce un tournant. Cette étape c’est celle du décès de leur père, le film s’ouvrant sur la cérémonie funèbre en son honneur. Seul héritage : une petite cassette sur laquelle il offre une mission à ses fils : Il leur faut subtiliser le Graal – qu’en bon aventurier il s’était acquis – dans le château dans lequel il repose afin de le rapporter à sa place dans la Grotte aux croisées en terre de Navarre. Voilà donc nos deux gaillards orphelins (il n’est jamais question de mère, qu’il ne partage d’ailleurs pas) plongés dans une anti quête du Graal ! Xabi Molia est un cinéaste qui mélange les formes, à savoir ici, réalisme et fantaisie. Si chaque dispositif a sa partie respective, l’ensemble reste suffisamment homogène pour qu’il n’y ait pas de déséquilibre dommageable. Il y a aura des ours et des moutons, des pouvoirs magiques, un pottok ailé et des femmes se baignant nues dans un ruisseau. Une poésie picaresque à la Keaton en somme, qui fait un bien fou.
JanosValuska
6
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le 4 déc. 2013

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JanosValuska

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