Les Contes de Terremer
6.2
Les Contes de Terremer

Long-métrage d'animation de Gorō Miyazaki (2006)

Totoro et compagnie : le nom ne fait pas le talent.

Le problème lorsqu’on connait un studio et les principaux noms qui circulent, c’est qu’il est difficile pour d’autres de se distinguer avec leurs propres œuvres quand ceux-ci ne sont pas délaissés par la masse. Mais il est bien plus compliqué de succéder à Miyazaki quand on est son fils et que l’on n’est pas animateur à la base.


En effet Gorõ Miyazaki a été engagé comme réalisateur afin de succéder à Takahata et à son père lorsque ceux-ci partiront en retraite (après les tentatives de trouver d’autres réalisateurs comme Yoshifumi et Morita mais sans succès pour différentes raisons), quand bien même celui-ci avait exprimé son refus de suivre la même voie que son père et qu’il est initialement consultant en aménagement urbain (rien à voir avec le domaine de l’animation, on peut dire qu’il y a eu un sacré changement de poste pour le bonhomme).


Et ce qu’on pouvait inévitablement craindre avec cette adaptation d’Ursula K. Le Guin (elle-même partagé par le résultat final) s’est tristement justifié, mais le plus dur n’est pas là. Le plus dur, c’est de se dire que le résultat aurait été tout autre si Hayao Miyazaki était resté à la barre jusqu’au bout, celui-ci ayant déjà pour but de le porter sur écran depuis plus de 20 ans à ce moment (pour dire, son Nausicäa s’est d’ailleurs inspiré du roman de Le Guin pour créer son univers en manga comme en film).


Car le principal problème des Contes de Terremer, c’est que Gorõ Miyazaki fait à peine le travail qu’à moitié et qu’il se referme sur les acquis de son père en reprenant de manière très grossière certains éléments visuels des films de son père... et surtout on a vite conscience que ça n'est pas Hayao Miyazaki aux commandes.
Comme le second couteau Hare qui ressemble comme deux goutte d’eau à Kurotawa de Nausicäa de la vallée du vent (la blague se rallonge même dans la VF ou c’est encore Boris Rehlinger qui prête sa voix au personnage, si ça ce n’est pas un comble ?), Arren étant une copie à l’écriture insipide et peu empathique d’Ashitaka de Princesse Mononoké ou la transformation d’Aranéide qui n’est pas sans faire penser à la gelée contagieuse de la forêt de Princesse Mononoké là encore.


D’ailleurs, au niveau des personnages, il est très difficile d’en retirer grand-chose tant aucun d’eux n’arrive à vraiment se distinguer ou à dépasser son caractère très limité. A une seule exception qui rattrape une partie des problèmes du film : l’Epervier, un vieux mage sage et qui est le seule à susciter de l’attachement pour le spectateur car ayant une écriture à peu près complète et pertinente tout au long et un temps d’apparition à l’écran bien dosé.
Je pense même pas que j’arriverais à définir le caractère d’Arren ou de Therru tant tout deux sont limités et ont une conclusion très frustrante et insatisfaisante au final. Le premier n’ayant que trop peu de personnalité


et à qui on ne donne jamais une raison au moins suggéré quant à l’assassinat de son père et roi,


et la seconde n’arrivant jamais à vraiment montrer grand chose sauf mauvais caractère dû à sa fuite. tandis que Themar n’a pas grand-chose d’intéressant à proposer elle non plus si ce n’est qu’être un repère émotionnel pour l’Epervier.
Mais le pire ça reste Aranéide moche et tellement ridicule dans les dialogues comme son apparence et ses motivations qu’il n’y a rien à en tirer,


en plus d’être gardé par le château le plus vide et moins bien gardé du monde… non mais sérieusement ? S’il est si puissant et dangereux, il n’a pas les moyens d’engager un vrai personnel militaire ?


Kushana au moins avait une armée fidèle qui la suivait dans Nausicäa et Dame Eboshi savait forcer le respect dans Princesse Mononoké. Là y'a rien, c'est pratiquement le trou du cul de la profondeur (si, cette phrase a du sens).


Après, il reste normal de retrouver une qualité visuelle de la part du studio Ghibli, surtout que c’est de ce côté-là que le film parvient à se rattraper sur certains aspects. Notamment dans le premier tiers ou tout semble partir sur de très bonnes bases et un univers de fantasy aussi riche et aux enjeux compliqués et humains comparable à un Seigneur des Anneaux ou un Princesse Mononoké.


Surtout avec la première ville qui semble s’enlaidir petit à petit, le commerce d’esclave ou Hare est justement mêlé, la disparition des mages dans les terres de Terremer et Arren en proie à une schizophrénie lorsque la fièvre du combat le prend et qui pourrait justifier ses actions lors de l’ouverture.
Mais qui se retrouve complètement délaissé une fois passé le premier tiers du coup : l’esclavage clandestin, on s’en bat les castagnettes !
La schizophrénie d’Arren ne trouvera jamais un sens ou une origine très clair si ce n’est qu’une quête factice et mal amené de l’immortalité (je ne suis même pas sur de comprendre d’où ça sort et l’intérêt de son double, ou même ce qui motive le jeune homme dans tout ça).
La crise du royaume d’Arren n’est plus jamais mentionnée, de même pour la disparition des mages.
Et ses crimes sont relégués au troisième plan.


Bien qu’il subsiste encore quelques jolies moments dans les deuxièmes et troisièmes tiers, majoritairement dû aux actes de l’Epervier et à la qualité de la musique de Tamiya Terashima et Carlos Nuñez, en particulier pour la magnifique chanson Teru no Uta chantée par Aoi Teshima, la scène ou chante Therru face au ciel étant de ces rares moments ou de la bonne volonté et de l’investissement ressortent de Miyazaki fils.


Les Contes de Terremer en devient donc un film hybride, mal né et très inégal sur l’écriture et les intentions de Gorõ Miyazaki qui fait tout juste le strict minimum. Alors que pourtant, les bonnes idées et les promesses étaient là, les décors variaient et il y avait matière à livrer une fable épique et fantastique prenante même si tout ne coulait pas de source.
Potable, mais pas un conte mémorable !

Créée

le 11 janv. 2018

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