D'abord, il y a ce titre, Les contes de la lune vague après la pluie, qui ouvre un champ qui tient à la fois du fantastique, de la poésie et du merveilleux. Et puis, il y a le film qui tient toutes les belles promesses de son titre.

Il n'est probablement pas nécessaire de revenir sur la genèse du film et des œuvres à l'origine de son scénario. Néanmoins, l'hybridation entre deux contes japonais de tradition orale et une nouvelle de Maupassant semble importante à souligner tant celle-ci procure au film son ton particulier qui relève à la fois du naturalisme, de la fable et du fantastique. Ainsi, le film oscille entre des séquences au traitement réaliste de la vie de famille japonaise au XVIème siècle, des scènes à l'ambiance onirique approchant le fantastique et des passages burlesques, proche de la farce, à travers le personnage de l'aspirant samouraï, Tobei. Mizoguchi propose donc un film contrasté qui trouve son unité dans l'élégance et la maîtrise de sa mise en scène. S'il délaisse ici en partie les fameux plans séquences qui ont fait sa renommée, Mizoguchi offre plusieurs scènes mémorables : la scène du lac avec son étrangeté diffuse et un plan-long dans la dernière partie du film lors du retour du héros, plan qui embrasse à la fois le réel et l'onirique.

Le film semble à charge contre les héros masculins, égocentrés et arrivistes, qui vont sans même y penser trahir et provoquer la déchéance de leurs épouses : prostitution pour l'une et mort pour l'autre. Mizoguchi distingue ses deux personnages masculins : le potier, qui veut vivre de son artisanat, et Tobei, le paysan qui veut devenir samouraï. Le premier semble trouver grâce à ses yeux lorsque le second hérite d'un caractère grotesque, souvent ridicule, comme si les errements de l'artiste lui semblaient plus tolérables. Cependant, Mizoguchi offre la possibilité d'une rédemption à ces héros masculins en mettant en scène leur prise de conscience et le retour auprès de leur femme, qui malgré les épreuves (et même la mort pour l'une d'elles) les accueillent de nouveau. Ainsi, l'énonciation de la morale du film revient à Miyagi, l'épouse décédée, qui permet l'apaisement et la réconciliation, soutenue par un magnifique panoramique symbolisant l'harmonisation entre l'homme et la nature, s'inscrivant vers l'horizon et donc l'avenir.

Classique du cinéma japonais, Les contes de la lune vague après la pluie (un des plus beaux titres de l'histoire du cinéma) conserve encore aujourd'hui son pouvoir d'enchantement et d'éblouissement sur le spectateur par les propositions cinématographiques, à la fois fortes et modernes, qu'il porte en son sein.
Adam_Kesher
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le 20 juil. 2014

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le 20 juil. 2014

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Adam_Kesher

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