Les Croods
6.2
Les Croods

Long-métrage d'animation de Chris Sanders et Kirk DeMicco (2013)

Analyse d'un marketing raté du meilleur DreamWorks.

The Croods est la première production DreamWorks depuis le rachat de la firme par Twentieth Century Fox (détenue quelques mois plus tôt par Paramount Pictures), et pourtant pas le premier film d’animation de la 20th. Mais quand on y jette un oeil de plus près, hormis les Simpsons (où le public était déjà acquis), on comprend : L »Âge de Glace, Rio, et dans une moindre mesure Alvin et les Chipmunks et Garfield. Des films médiocres -n’ayons pas peur des mots- calibrés pour du 6-10 ans (maximum) avec une campagne marketing à l’image du film et de la cible. Et visiblement, au vu des recettes des précédentes franchises, ils se sont dit qu’ils n’allaient pas changer une équipe qui gagne et donc rebondir sur foncièrement le même schéma pour leur premier DreamWorks. C’était sans compter le film.

Après quelques concepts arts et des images par-ci (http://webneel.com/sites/default/files/images/manual/vdo/6-the-croods-movie.jpg ), par là, le 27 septembre, un premier poster est balancé (http://www.aceshowbiz.com/images/still/the-croods-poster02.jpg ) avec le synopsis officiel. Bon. On se demande un peu ce qu’on à affaire. Un ersatz de La famille Pierrafeu ? L’affiche, bordélique au possible, ne révèle d’ailleurs pas le visage des protagonistes mais montre un fouillis de végétations, d’animaux multicolores à moitié mignons mais devant visiblement faire peur, et il en ressort quelque chose de terriblement confus. Et puis comme toujours quand on commence à communiquer aussi en amont sur une sortie, les autres éléments de promos sont plus espacés -après tout c’est le principe du teasing-. Ainsi donc, ce n’est qu’un mois plus tard qu’on nous offre un premier teaser… Nos craintes ne s’estompent pas, au contraire. Ici, on avance en terrain plus que connu. Un thème vu mille fois ainsi qu’une histoire visiblement similaire à celle de l’Age de Glace 3. Et on commence à voir un semblant d’autre chose que la grotte : une forêt multicolore. Qui ne nous dit rien qui vaille. Décembre oblige, fin d’années, films pour les enfants (attaché à Wreck it Ralph ?), nouveau trailer (http://www.cloneweb.net/actualite/les-croods-la-2e-bande-annonce/), qui en révèle un peu plus. Et la Fox semble ne pas avoir changé de cible pour sa communication, soit prendre les gamins de 5 ans pour des cons (n’ayons pas peur des mots) : on est devant ce qu’on déteste le plus chez DreamWorks, quelque chose d’assez moche remplis de gags pas drôle pour un sous (le mammouth qui tombe… un peu d’innovation ?) et de side-kick complètement relous. Notre première réflexion étant : c’est qui ce petit gros stupide ? L’affiche sortie en janvier (http://www.comingsoon.net/nextraimages/areyoucroods.jpg) n’aide pas non plus. L’ensemble semble toujours aussi bordélique et toujours pour les gamins fans de blagues scato (cf la petite en train de se curer le nez). Un chara design assez vilain et une incrustation assez moche. Enfin, silence radio jusqu’au 8 Mars. Jusqu’au trailer final (http://www.cloneweb.net/actualite/les-croods-la-2e-bande-annonce/). Celui qu’on allait voir en salle et qui en dévoile un peu plus. Et en effet, on en voit un peu plus. Des gags idiots, des personnages lourds, une forêt qui ressemble beaucoup à celle d’Avatar et un scénario semblable à Raiponce (ou Rebelle).
En ce moment, si vous aimez le film sur Facebook, vous pouvez voir une multitude -dernière phase de plan de comm’ du film vu la sortie imminente- d’images et d’affiches moches avec des taglines affreuses (http://sphotos-a.ak.fbcdn.net/hphotos-ak-ash4/377749_552195114799073_936780709_n.jpg). Mais sérieusement, qu’est ce qu’il est passé par la tête du service marketing et communication pendant le brainstorm de ce film ? Le parfait exemple de toute cette campagne est cette « superbe » photo (http://sphotos-e.ak.fbcdn.net/hphotos-ak-prn1/528810_537222726296312_774873553_n.png) a des années lumières du ton du film, reflétant sois une incompréhension du sujet finalement simple à vendre de la part des distributeurs, sois une volonté d’attirer rien d’autre que les gamins et leurs parents après le four des 5 légendes (qui pour le coup, était bien plus compliqué à exploiter, surtout en Europe). Coup de grâce de cette promo désastreuse : Faf LaRage et son clip Daddy Croods (http://www.youtube.com/watch?v=rd5FYg3SK0Q). Ça se passe de commentaire…

Et pourtant les Croods n’est rien de tout cela.

Non, les Croods ne regorge pas de blagues sur le caca, de personnages secondaires insupportables et d’un scénario en carton. Pour faire claire, Les Croods, c’est simplement ce que DreamWorks a fait de mieux. Oui, mieux que Dragons qui restait quand même très enfantin malgré toutes ses qualités (et qu’on ne vienne pas me dire MegaMind, plus personne ne s’en souvient). On avait remarqué que les studios avaient entamés un tournant dès Dragons en 2010, concrétisé plus tard avec les 5 Légendes : offrir à la firme ce que Pixar fait depuis le début : des films pour tout le monde, où les parents ne s’ennuient pas devant et où on ne prend pas le spectateur pour un demeuré. C’est maintenant chose faite avec The Croods, film drôle, émouvant, familial, avec de l’action et de l’amour. Et on vous explique pourquoi.

On suit ici une famille d’hommes préhistoriques : une mère effacée, un père beaucoup trop présent, une grand-mère immortelle, un fils un peu simplet et une fille rebelle qui veut simplement mettre le nez dehors (le leitmotiv du père étant « ne jamais pas avoir peur »). Ceux-ci, cloîtrés dans leur grotte, vont se retrouver confrontés à la fin de leur monde. Heureusement ils vont faire la rencontre de Guy, un homme plus évolué, qui va les aider à survivre. Du gris de leur caverne, ils vont se retrouver dans un monde surpeuplés de créatures étranges et multicolores, à la découverte de la civilisation. Commence alors une véritable épopée.
Si on devait reprocher une chose à The Croods, c’est son scénario. Très linéaire et très convenu, on s’attend à peu près à tout ce qui va se passer, du début à la fin. Il n’y a pas vraiment de prise de risques et le seul élément un peu « couillu » rentre dans les rails, comme on s’y attend. En revanche, qui dit convenu ne veut pas dire mal écrit. Le film est suffisamment intelligent pour, encore une fois, ne pas prendre le spectateur pour un con et pour offrir une évolution dans le récit très bien ficelée, tout comme celle des personnages. Ces derniers sont d’ailleurs probablement la force majeur du long métrage. En effet, les deux réalisateurs ont entrepris de ne pas avoir cinq personnages principaux mais un seul : la famille en elle-même. Si chacun des personnages a son propre caractère, ils sont en revanche indissociable les uns des autres puisque complémentaires, même Guy qui arrive plus tard. Et ce traitement est un peu à l’image de celui des 5 Légendes (ou de Avengers) : tous ont un temps égal à l’écran et tous se valent. C’est d’ailleurs cette entité qui va psychologiquement évoluer au cours de l’heure et demi, alors qu’on aurait pu s’attarder (comme le laisse sous-entendre la promo) sur le personnage de Eep. Il n’en est rien.

Non content de nous avoir offert quelques morceaux de bravoures dans Dragons, Chris Sanders (ayant fait ses armes chez Disney avec Lilo & Stitch) remet le couvert. Les 10 premières minutes nous suffisent à comprendre qu’on est devant quelque chose d’un autre niveau que les précédents Dreamworks. Le film s’ouvre sur une scène muette de chasse, digne d’un des meilleurs épisode de Bipbip et Coyote. D’ailleurs, on retrouvera de nombreuses scènes muettes tout le long du film, où la force de l’image prime sur la parole. Ces plans font partie des plus fortes émotionnellement parlant et on en ressort avec certaines séquences encore gravées dans la mémoire.
Visuellement, c’est tout aussi sublime. Si le chara design des personnages peut rebuter au début, il s’imbrique dans une évolution et une mise en place du récit (à savoir la préhistoire), les décors, dont la majorité photo-réalistes, sont de toute beauté. Et en effet, si la forêt ressemble à s’y méprendre à celle d’Avatar, on l’oublie facilement grâce aux monstres multicolores mignons et effrayants qui peuplent cet endroit.

Enfin, The Croods, c’est surtout de l’humour qui marche à chaque fois, et principalement visuel. Le film offre plusieurs fou-rires, en évitant les clins d’oeil bien trop voyants à d’autres films de l’époque (comme l’avait pu faire Shrek).

En somme ? Je pense que vous l’avez compris : The Croods est loin d’être ce qu’il vend : c’est le film le plus abouti des studios DreamWorks, le plus adulte, le plus familial, le plus drôle, le plus beau. Allez-y, encore et encore. On espère sincèrement que la firme va continuer ce chemin qu’elle emprunte. Et si Guillermo Del Toro, qui a déjà bossé sur les 5 Légendes, s’associe avec Sanders, on peut être sûr que ça va faire des étincelles.
AlexLoos
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le 14 mars 2013

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