Troglodytes vs Homo Sapiens
Il est rare de qualifier un film d’animation d’intelligent. C’est pourtant le cas des Croods, une réussite à plus d’un titre. On sait finalement peu de choses de nos ancêtres préhistoriques. Mais le peu que l’on sait se traduit à l’écran via de surprenantes allégories. Citons la scène assez spectaculaire des perruches piranhas, qui illustre l’avantage que le feu a subitement donné à l’homme sur le reste du monde animal. (L’héroïsme de Guy est savamment contrebalancé par l’incompétence des Croods à contrôler ce pouvoir tout neuf pour eux.)
L’importance de la tradition orale n’a pas échappée aux créateurs de l’œuvre qui accorde aux histoires « au coin du feu » (de Grug, puis de Guy) une place de choix dans la narration (narration d’ailleurs elle-aussi racontée, par Eep).
D’autre part, on sait qu’Homo Sapiens et Néandertaliens ont cohabité pendant un temps. Au vu de la disparition de ces derniers, on peut en déduire que les Homos Sapiens de l’époque n’ont pas été aussi bienveillants que Guy, qui partage généreusement avec la famille Croods quelques unes de ses inventions. Avec son cerveau et ses idées, il semble plus capable de s’adapter au changement que Grug convaincu du bien fondé la loi du plus fort. L’histoire semble confirmer cette idée que le cerveau a finalement eu raison du muscle. Le film fait allusion à la disparition des Troglodytes (soudaine ou graduelle ? on ne sait) par le biais d’un montage en musique (durant lequel Grug, confronté à de nouvelles situations, se voit supplanter par l’ingénieux Guy) qui se termine par l’épreuve finale du labyrinthe : quelle victoire pour l’Homo Sapiens d’en sortir sain et sauf tandis que son cousin Néandertalien se perdait dans la nuit des temps…
Bien entendu, il ne faudrait pas faire l’erreur de considérer le film comme une leçon d’histoire. (L’homme de Neandertal maitrisait déjà le feu. Et le chien avait été domestiqué depuis longtemps.)
Mais laissons l’histoire de côté et disons un mot du personnage féminin le plus abouti de toutes les héroïnes d’animation à ce jour. Eep ! Enfin, une fille forte, sexy (comme l’entend Ashton hein), et vraie parce qu’elle se met en colère, parce qu’elle a du muscle, parce qu’elle aussi adore les chaussures, et parce que son caractère émancipé ne l’empêche pas d’apprécier le bras (aussi frêle soit-il) d’un garçon autour de ses épaules. Eep ! Enfin un ‘role model’ digne de son nom pour toutes les filles qui devraient maintenant savoir qu’il suffit d’être soi-même pour qu’il vous trouve « awesome !».
Le film est sorti début 2013 aux Etats-Unis, quelques mois avant que le président Obama ne prenne la défense de la NSA, argüant qu’on ne pouvait garantir 100% de sécurité sans concéder quelques libertés. Avant cette déclaration, il aurait bien fait de visionner The Croods, qui met justement en scène ce dilemme chez Grug : la sécurité de sa famille est sa priorité absolue, et elle est garantie au prix de l’indépendance de sa fille…
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