Pour l'année 2017, une petite virée du côté des délices de Tokyo avec des pâtes de haricots sucrées.


Derrière les vapeurs et le bouillon des haricots, mijotant dans le calme, c'est toute une histoire, celle du Japon qui se précise peu à peu. En prenant pour fil rouge ces sucreries venues d'Orient, Naomi Kawase nous décrit des relations. Celles entre un employé quelque peu alcoolique et sa patronne ; entre trois générations. La jeune collégienne timide Wakana jouée par Kyara Uchida, le gérant du magasin un peu miteux de dorayakis Sentaro, joué par Masatoshi Nagase, et la vieille dame un peu folle et des plus attachante, Tokue, jouée par Kirin Kiki.


A travers ces sortes de pancakes traditionnels, c'est le passé, le présent et le futur qui se rencontrent, sous la houlette éphémère des cerisiers. L'après guerre nous y est racontée comme autant de récits contés par notre grand-mère au coin d'une marmite fumante. Loin des manuels d'Histoire, ces petits fragments de vie nous parviennent, parfumés de pâte an, et viennent glisser sur nos papilles avec émotion. Tokue nous invite à écouter tout ce qui nous entoure. Elle, l'ancienne collégienne isolée à cause de sa maladie, qui ne reverra la lumière qu'en 1996, presque cinquante ans après être entrée dans son sanatorium. Elle nous invite à écouter les haricots murmurer leur voyage, les feuilles nous chantant d'anciennes mélodies. Elle, que l'on a jamais vraiment écouté, dont on n'a pas pris garde durant presque toute sa vie.


D'un côté, la réalité presque terne de la vraie vie, que l'on ne voit qu'à travers le magasin et les appartements. De l'autre, les bois, la nature, et la sphère privée de Tokue qui sont aérés. Comme autant de symboles pour démontrer à quel point elle respire, elle, malgré sa ghettoïsation. Combien elle est heureuse de tous ces plaisirs simples qui échappent à la vue une fois dans les péripéties urbaines.


C'est gorgé d'affection et avec une furieuse envie de sucré, que l'on ressort de ce film. Une envie de goûter à la vie mais aussi de la préparer à notre manière, testant de nouvelles recettes, pour composer notre chemin.


L'importance de la mémoire des ancêtres, du lien qu'ils forment avec le futur et du témoignage qu'ils peuvent apporter à ce qui pourrait tomber dans la froideur scientifique des manuels d'histoire, est un des messages de Naomi Kawase qui à nouveau, prend d'un bout des doigts un fil rouge des plus original, pour rendre extraordinaire des vies ordinaires.

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le 1 janv. 2017

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