Le printemps au Japon, c’est des images d’Épinal bien connues. Les cerisiers exhibent leurs fleurs pâles, blanches ou roses, qui quittent presque aussitôt les branches des arbres pour aller tapisser les allées des villes et des parcs. Les Japonais fêtent ce moment chaque année lors d’une fête, le Hanami. Contemplation d’une nature qui se transforme très vite, de l’éphémère toujours magnifique.


Ce trait culturel japonais, Les Délices de Tokyo le sublime en racontant l’histoire de Sentaro (Masatoshi Nagase), un vendeur de dorayakis (beignets fourrés à la pâte de haricots rouges sucrée) taciturne et grincheux, et de Tokue (Kirin Kiki), une touchante septuagénaire maîtresse de la fameuse pâte de haricots rouges.


À partir d’un sujet simple, la réalisatrice Naomi Kawase (auteur, il y a un an et des poussières, du superbe Still The Water) trousse l’histoire de la belle rencontre entre deux êtres a priori très différents. Sentaro peine, au début, à voir autre chose dans Tokue qu’une petite vieille à demi-infirme. Ce n’est qu’après avoir goûté l’exquise pâte qu’il décide d’embaucher la dame. Sentaro reste d’abord dubitatif mais s’accommode vite des extravagances de Tokue, qui s’extasie d’un rien et croit tenir des conversations avec la pâte : d’après elle, il faut l’écouter, la respecter, la vénérer, presque, pour la réussir.


De douloureux passés se révèlent


Rapidement, tout le quartier s’arrache les délicieux dorayakis. Mais un nuage vient assombrir ce succès : des rumeurs circulent sur Tokue. La déformation de ses mains serait due à la lèpre, et certains murmurent qu’elle pourrait être encore malade. Le film prend alors toute son ampleur dans la révélation de passés douloureux : celui de Tokue, mais également de Sentaro, obligé de vendre des dorayakis à cause d’errements de jeunesse.


On glisse alors doucement vers une conclusion, tout en beauté et en tristesse, qui nous amène au printemps suivant. On y retrouve, comme au début du film, les cerisiers sakura en fleurs. Naomi Kawase, tout au long des Délices de Tokyo, nous régale de plans lents et insistant sur la nature japonaise en différentes saisons. À travers ceux-ci, le film souligne la beauté fragile des petits instants, des relations amicales, leur éphémère qui est celui de la vie. Puissant et d’une poésie somptueuse.


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WilliamMui
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le 7 avr. 2016

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