Et dire que Les Dents de la Mer, titre français que Spielberg a toujours préféré à Jaws en VO, ne devait être au départ qu'un téléfilm comme Duel. Et dire que Spielberg n'avait même pas trente ans. Et dire qu'il n'a coûté que douze millions de dollars. Et dire que le tournage en 1974 a été entaché de problèmes techniques (filmer sous l'eau a tellement été prise de tête pour Spielberg qu'il ne veut désormais plus tourner sous l'eau), de mouvements de grève, de dépassements de budget occasionnant un retard dans la conception du film d'où la menace du patron d'Universal Pictures d'arrêter le film.
Mais ce sont généralement les tournages compliqués qui accouchent des grands films. A la fois huis-clos, thriller, film d'horreur, hommage à Hitchcock, on ne peut pas classer Les Dents de la Mer. Moi, ce qui m'a impressionné, c'est la maîtrise de Spielberg à seulement 28 ans. Une maîtrise et une maturité que ne possèdent et ne possèderont jamais certains metteurs en scène plus expérimentés.
Il a parfaitement su doser l'utilisation de la violence sans qu'elle ne devienne gratuite, montée de la tension et critique sociale : le maire de la station balnéaire préfère jouer la politique de l'autruche, nier l'existence du requin, plutôt que de perdre des touristes.
Le film rapportera 125 millions de dollars de recette aux USA, et 470 millions dans le monde. Il permet aussi à son célèbre réalisateur de connaître une consécration internationale après le faible score de Sugarland Express qui n'était pas non plus un film pour enfants comme Les Dents de la Mer. Donc résumer Spielberg à la naïveté d'E.T ou Hook est évidemment réducteur. Dommage que les suites ne soient pas à la hauteur de l'original.