Retournement de cerveau en noir et blanc qui nous rappelle avec vivacité qu'un bon film c'est avant tout une histoire à l'écriture solide. Les diaboliques jouit d'un script d'une solidité extrême qui en dépit de quelques longueurs, qu'on lui pardonnera sans rechigner, parvient à nous captiver avec cette histoire simple d'apparence de ménage à trois qui tourne au vinaigre. Bien malin (oui je sais, Logan ) celui qui saura dire vers où veut nous transporter Clouzot lorsque le premier acte se termine et nous laisse un peu circonspect avec cette impression que l'histoire est finie, alors qu'elle ne fait que commencer.

Si les diaboliques porte cette marque des grands, c'est parce qu'il jouit d'un sous texte lucide, acerbe mais traité avec finesse. A travers ces trois personnages qui semblent incarner un mode de vie un peu marginal alors qu'ils sont censés être porteurs d'exemple de par leurs métiers respectifs, Clouzot brosse une nouvelle fois un portrait saisissant de la France d'après guerre. Que ce soit les différents bambins hauts en couleurs, ce couple de locataires routiniers qui servira d'alibi aux deux apprenties criminelles, ou les différents professeurs qui évoluent dans l'école qu'investit le réalisateur, chaque personnage apporte un peu d'épaisseur à ce portrait qui ne se veut pas historique mais nous permet pourtant de remonter le temps en un défilement de curseur.

Clouzot oblige, la mise en scène est aux petits oignons. Sans cesse portée par des prises de vue finement choisies, aux atmosphères lumineuses très recherchées, chaque séquence est une régal pour les yeux. Des noirs et blancs précis aux mouvements de caméra subtiles, on est en présence d'un artisan qui connait son affaire, ça ne fait aucun doute. Mais la véritable prouesse du cinéaste dans Les diaboliques est ailleurs et c'est là la puissance de ce film. Elle est dans son habilité à naviguer entre les genres avec une aisance qui force le respect. Entre la première partie qui lorgne du côté de la critique sociale à la fin qui se mêle de fantastique en passant par toute la partie enquête qui apporte un petit côté polar au film, il y a de quoi se sustenter grassement.

Finalement, le seul vrai bémol qui m'a un peu sorti par moment du film est l'interprétation parfois limite de la jolie Vera Clouzot qui fait un peu pale figure face aux deux gros monstres qui se partagent l'écran à ses côtés. M'enfin, vu le niveau d'excellence de l'ensemble, on passe outre sans arrière pensée et l'on profite avec gourmandise de cet exercice de style maîtrisé aussi divertissant que virtuose.
oso
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le 11 mars 2014

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oso

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