Il y a une chose que l'on ne peut absolument pas enlever à Cecil B. DeMille, c'était son sens incroyable du spectacle grandiose. Pour ce qui était de mettre en scène des décors démesurés, de filmer des milliers de figurants, tous placés là où il faut qu'ils soient exactement placés, pour ébahir avec des séquences à couper le souffle (l'ouverture de la Mer Rouge, les Hébreux réduits en esclavage, le Veau d'or, le mont Sinaï, etc. !), personne ne pouvait le battre. Les 45 minutes pendant lesquelles on suit Moïse libérant son peuple sont mémorables. Cette introduction est ce qu'il y a d'intéressant et de captivant dans le film. C'est le versant magistral du réalisateur qu'on a ici. Celui-ci avait dû très bien le comprendre puisqu'il tirera sa révérence, bien plus tard, après nous avoir donnés quatre heures de son meilleur cinéma, avec la même histoire. Mais revenons en 1923...


Après, on a l'autre versant, malheureusement.


La mise en abyme, avec le fait que ce que l'on voyait dans le prologue était raconté par un personnage qui lisait la Bible, est ingénieuse. Mais passé cette introduction de la partie contemporaine, on a vraiment le pire du cinéaste. On peut certes arguer que la partie biblique tenait le même propos, mais on peut répliquer à cela en disant que l'ensemble prenait purement et simplement le point de vue de l'Ancien Testament, avec des intertitres qui citaient directement des extraits de ce dernier, tel que raconté par quelqu'un qui le lit. Bref, le propos de la partie contemporaine, c'est que si vous êtes athée, sans pratique de la religion, ben, vous êtes une grosse enflure.


Là, DeMille y va au bulldozer. Il va opposer deux frères, un tout tout gentil et honnête charpentier (oui, c'est vraiment lourdaud point de vue symbolisme et je ne préfère pas parler de la dernière scène qui est un summum de ridicule !), et un impie donc infâme entrepreneur, oh mon Dieu un entrepreneur, quel suppôt de Satan. Un entrepreneur qui ose en plus écouter de la musique et s'amuser avec une fille le jour du Sabbat, Vade retro satana.


Et notre entrepreneur va être une super-enflure. Il va défoncer sa race, pendant les 90 minutes qui restent, les Dix Commandements, tous sans exception. C'est une crevure 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Il va tromper (ouais, il va tromper sa femme avec une Franco-Asiatique, forcément méchante et vénale, c'est affreux !), il va voler, il va tuer, il va nous faire la totale, un champion du monde.


Dans cette partie, c'est le Cecil B. DeMille manichéen, prosélytiste, raciste, xénophobe, hypocrite (il est certain qu'Hollywood a toujours été le lieu où les volontés de Dieu ont été le plus respectées !).


Il n'y a que deux choses à sauver de cette indigeste heure et demie : la scène de l'effondrement de la cathédrale, oui le grand homme de spectacle refait une apparition pendant quelques secondes et ça fait plaisir, et un plan, celui où notre Franco-Asiatique, qui vient d'être assassinée par notre diabolique athée sans religion, en tombant, arrache un rideau de sa tringle. Je ne sais pas si Hitchcock s'en était inspiré pour la fameuse séquence de la douche dans Psychose, mais une chose qu'est sûre, c'est que Cecil B. De Mille en a eu l'idée le premier.


Bon, pour conclure rapidement, je serais tenté de conseiller de ne regarder que le prologue de 45 minutes. Les 90 suivantes sont vraiment dispensables. Enfin, faites comme vous le voulez.

Plume231
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le 4 mai 2020

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Plume231

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