Un conte graphique délicat et émouvant, qui esquive avec justesse la démonstration moralisatrice

Très belle réalisation à la direction artistique léchée (bien que parfois légèrement alourdie du contraste entre le dessin et les effets numériques, ce qu'on pardonnera pour un fresque esthétique de cette envergure). On se laisse facilement embarqué par le spectacle virevoltant de ces amours adolescentes portées par une pop japonaise qui pourra cependant - en fonction des sensibilités particulières - autant enchanter que rebuter. Le film fait en effet le choix d'un traitement musical particulièrement démonstratif (d'aucun diraient emphatique) rendant impossible d'ignorer ses options mélodiques. Si le dynamisme symphonique des morceaux confère à de nombreuses séquences un élan épique, la répétition de ce motif frôle l'épuisement mécanique.


Drame romantique, les enjeux climatiques qui pèsent sur l'intrigue servent essentiellement d'écrin au déploiement bouleversant d'un premier amour auquel est rapidement promis le déchirement d'une séparation irrémédiable. Il ne faut aucune autre ambition au film pour prétendre au statut d’œuvre aussi légitime qu'aboutie. Bien au contraire on se réjouira qu'il nous épargne les leçons de morales convenues, devenues si coutumières et si paresseuses à la fois dans l'industrie cinématographique contemporaine. Bien sûr on ne saurait renier nombre d’œuvres qui ont assumé de chercher à "dire quelque chose" qui dépasse le cercle resserré de leur récit. Pour nombre de productions actuelles de telles prétentions moralistes font cependant figure de parti-pris unique, supplantant toute véritable ambition artistique. Formant une écholalie assourdissante, par pur pragmatisme mercantile, elles nuisent le plus souvent aux thèses qu'elles prétendent défendre.


Fort heureusement, et quoique certains critiques s'en plaignent, "Les enfants du temps" ne s'associe pas à ces "oeuvres" ci. Plutôt que de prétendre donner de grossières leçons, Makoto Shinkaï ménage ici une distance bienvenue face aux enjeux climatiques que l'on souhaiterait trop volontiers projeter sur sa fable graphique. Trame énigmatique offerte au développement du récit, la problématique du rapport de l'humanité aux atermoiements du atmosphériques reste ainsi préservé d'un volontarisme démonstratif qui contraindrait de manière rigide toute tentative d'interprétation des évènements de ce conte romanesque, les condamnant à n'être que la répétition métaphorique machinale des menaces qui projettent leur ombre sur notre propre monde. Le film assume ainsi un propos ambiguë, incertain, dont la modestie ne l'empêche pourtant pas d'évoquer prudemment l'universel - sans complaisance mais sans jugement - à l'image de son thème principal, celui d'une passion amoureuse juvénile aussi fougueuse qu'égoïste.

GuizZzZ
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le 13 janv. 2020

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