Un film que je revois toujours avec beaucoup de plaisir, et qui a une place importante pour moi. D'abord parce qu'il s'agit d'une excellente adaptation d'une nouvelle d'un bouquin de Stephen King, qui m'a enseigné une chose essentielle, qu'on peut tenir un lecteur en haleine uniquement par la force de l'intrigue et de ses personnages, et non par une tension quelconque visant à nous effrayer, ce que reproduit très bien Les évadés (mené par d'excellents acteurs, Tim Robbins en tête qui campe avec beaucoup de subtilité cet ex-banquier à la personnalité paradoxale). Et vient ainsi ma deuxième raison, qui a peut-être fourvoyé certains spectateurs qui placent la série Oz comme modèle d'une prison crédible (traduction : glauque, violente, sans concession), à savoir que cette retenue dans les effets a permis justement d'humaniser les prisonniers, de rendre possible l'empathie, et pourquoi pas, de jouir avec eux de leurs petits instants éphémères touchés par la grâce (car si le cadre était totalement détestable, ça n'aurait pas fonctionné).


Une histoire qui s'apprécie d'abord par un personnage principal intéressant : Andy, un homme "faible" accusé du meurtre de sa femme, et se disant innocent de son crime. Ce n'est donc pas par la force qu'il pourra résister à ses assaillants (qui sont nombreux, même s'ils "frappent" rarement : le directeur, les matons, les "soeurs", etc.), ce qui fait tout son charme : rester lui-même comme s'il était dehors, et offrir son intelligence (et donc acquérir une valeur) à ceux dont il a besoin de protection. Mais ce que j'aime par dessus tout, c'est ce fil narratif tranquillement instillé mais d'une densité incroyable autour du thème de la prison, son impact sur l'âme et l'espoir, ce qu'elle nous prend, et ce qu'il faut faire pour préserver ce qui fait de nous des hommes, pour résister à son appel du formatage et de l'habitude ainsi qu'à la perte complète du goût de la liberté et de la joie. Même si la réalisation est "classique" de facture, elle n'en est pas moins soignée (avec Roger Deakins à la photo), dotée d'un montage astucieux qui joue avec les faux-semblants, et livrant beaucoup de belles scènes remplies d'émotion (comme la fois où Andy laisse le vinyle en marche à l'adresse des prisonniers, qui fait goûter à chacun un sentiment qu'on ne peut opprimer).


Vous l'aurez compris, ce film est pour moi un Masterpiece, pour de nombreuses raisons (qui ne sont pas celles de IMDB, l'ayant découvert bien avant l'existence de ce site), et parce que tout me semble être à sa place sans fausse note, comme son rythme tranquille qui reflète très bien l'humeur patiente d'Andy ainsi que l'effet sournois du temps sur ses personnages. Et aussi car il a cette force communicative d'être libre et soi-même, même lorsque les conditions ne sont pas réunies. Enfin, il nous propose l'une des plus belles fins de cinéma, qui en plus de couronner l'entreprise folle d'Andy, est un superbe hymne à l'amitié, et nous fait goûter à ce qu'on pourrait appeler un paradis en fait tout simple, mais authentique et touchant.

Arnaud_Mercadie
10
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le 10 mai 2017

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Dun

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