L’œuvre nominé aux oscars a mis du temps avant d’atterrir sur le territoire français, mais nous y voilà. Après le surprenant « The Diary of a Teenage Girl », Marielle Heller nous plonge dans un grand New York, trop grand pour ses personnages et une héroïne qui trouve ironiquement la rédemption dans l’illégalité. Elle se lance également dans un exercice de style qui ne mise pas tout sur un aspect technique en particulier. Elle cherche avant tout à mettre en relief cette femme, dont la malice lui procurera satisfaction et une identité, malgré les sujets abordés. C’est en la propulsant, du fin fond du gouffre, qu’on y distingue à la fois son impact sur une société avide de ragots et les dégâts qu’elle cause, rien qu’en s’appropriant une notoriété qui la dépasse.


Lee Israel (Melissa McCarthy) file droit devant, mais avec de nombreuses hésitations. Elle se questionne sur sa chute et en même temps sur les réponses qu’elle donnera au succès, celui qu’elle a perdu et qu’elle n’a jamais vraiment pu atteindre. Son intelligence et son talent font qu’elle puise dans l’usurpation d’identité pour en oublier ses dettes et sa détresse. En vivant dans un appartement en pagaille, rien ne va pour elle, mais elle finit par se défaire de ses chaînes. Elle se découvre plus d’espaces que prévu au cœur d’une ville qui n’arrête pas d’étouffer ses protagonistes entre deux buildings. Il ne faut pourtant pas y voir un exemple, mais cette persévérance a de quoi nourrir le portrait d’une faussaire alcoolique. De ce côté-là, on y trouve de la pertinence, mais elle ne sera jamais suffisante pour meubler l’ensemble d’une œuvre qui s’endort plus vite qu’il ne transcende.


Le récit tourne en rond et se fige dans le jeu qu’il s’est fixé. Bien que l’on recherche une certaine authenticité dans l’affaire, rien n’empêche la tentative d’arnaque d’être avortée. Et il est d’ailleurs navrant de trouver plus d’empathie pour ce Jack Hock (Richard E. Grant), vagabond et ami fidèle au plus offrande. Il ne cesse d’apparaître comme un pilier de l’humanité, qui repousse les limites et emmène justement Lee dans son univers, où l’excès est le mot-clé. Il aura beau être maladroit, il n’en demeure pas moins touchant et plus réconfortant que l’anti-héroïne qui stagne de plus en plus, une fois son stratagème mis en place. Le tout manque cruellement de rythme et ne sert pas comme il faut un personnage sans doute plus sombre que complexe. Malheureusement, ce désir de se démarquer finit par trahir lâchement toutes les ambitions des intéressées.


L’association des deux gangsters modernes aurait mérité un meilleur traitement, car malgré les prouesses des comédiens, le film restera anecdotique. Cette lettre d’amour littéraire passe ainsi à côté de son sujet, quand bien même elle préfère exploiter la fresque de la tristesse humaine. Sans les bons enjeux et les profondeurs qui doivent nous captiver, « Les Faussaires de Manhattan » (Can You Ever Forgive Me ?) reste finalement trop longtemps dans les mêmes rayons. Au bout d’un moment, il faut tourner la page.

Cinememories
6
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le 4 juil. 2020

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