Les figures de l’ombre rappellent que l’espace, la plus grande conquête de l’homme, n’aurait pu se faire … sans les femmes !



Le fait de s’inspirer d’une histoire vraie est-il pour autant la garantie d’un bon film ? La réponse pour LES FIGURES DE L’OMBRE est… oui ! Car les studios américains ont décidément le chic pour mettre en exergue tous les ingrédients qui rendent un film romanesque: des destins extraordinaires dans un contexte historique particulier et dont les multiples rebondissements sont mis en valeur par la musique !


Le contexte historique ici replonge le spectateur en 1961, en pleine guerre froide entre les Américains et les Russes, qui essaient l’un et l’autre à être le premier à envoyer un homme dans l’espace. LES FIGURES DE L’OMBRE n’est bien sûr pas le premier film qui aborde les enjeux géopolitiques et patriotiques de la conquête spatiale par la NASA : on pense ainsi à L’Etoffe des Héros de Philip Kaufman ou Apollo 13 de Ron Howard. La différence tient dans la retranscription de cette ambition, car elle est montrée du côté des programmateurs et calculateurs, qui vérifient les trajectoires et testent les matériaux. On y croise tout de même des astronautes, tel John Glenn, le premier à avoir été mis en orbite et à faire le tour de la Terre dans sa fusée.


PHOTO: noires, talentueuses, émancipées. Manque plus que la liberté d'exercer sa passion.


Mais les mathématiques sont réellement au cœur du film – ce qui est assez rare pour être souligné -, et le réalisateur parvient à rendre l’enjeu passionnant et accessible à tous. Le scénario a d’ailleurs été écrit par Allison Schroeder– mathématicienne dont la grand-mère a été programmatrice à la NASA- à partir du livre de Margot Lee Shetterly, dont le père travaillait aussi à la NASA.


On suit donc de près les travaux des équipes, mais aussi leurs espoirs, leurs doutes et leurs querelles. On vibre avec eux quand ils se plantent mais aussi quand ils réussissent ! LES FIGURES DE L’OMBRE rappelle les débuts de l’informatique et du premier calculateur IBM, qui va peu à peu prendre le pas sur les calculs humains, certes plus lents mais finalement encore assez sûrs. La mise en scène efficace du réalisateur Théodore Melfi rend véritablement fascinante cette transformation des chiffres en trajectoires réelles d’engins envoyés dans l’espace !



« Les figures de l'ombre permet au spectateur de tutoyer, lui aussi, les étoiles »



Les événements de LES FIGURES DE L’OMBRE se situent dans les locaux de la NASA, dans l’état ségrégationniste de Virginie. De nombreuses scènes rappellent au spectateur la séparationa entre blancs et gens de couleur : dans le bus, dans les bibliothèques, à l’Université. La télévision montre aussi quelques images de Martin Luther King ou de personnes victimes de racisme. Le réalisateur évoque les deux types de réactions classiques de la part des personnes qui subissent cette ségrégation et que l’on a l’habitude de voir au cinéma: l’acceptation ou la violence. Mais il offre surtout une autre façon de voir, celle de la non-résignation par les protagonistes, qui utilisent aussi bien leurs compétences que les lois (comme on l’a récemment vu dans Loving de Jeff Nicholls) pour combattre l’injustice.


Les trois héroïnes de LES FIGURES DE L’OMBRE afro-américaines évoluent dans un monde du travail incertain, blanc et machiste, mais sont avant tout des scientifiques. Ayant la chance d’avoir un entourage compréhensif et encourageant, elles font preuve aussi bien d’ambition que d’audace et connaissent parfaitement leur valeur. Car la ségrégation ne fait pas exception à la NASA, qui sépare aussi bien les bureaux des mathématiciennes calculatrices, que leurs toilettes. Le réalisateur emploie d’ailleurs de jolies métaphores à propos du noir et du blanc. Ainsi celle de la craie blanche utilisée par Katherine/Taraji P. Hanson (héroïne de la série Empire) pour ses démonstrations sur le tableau noir, que lui tendent, tel le symbole de la confiance que lui accordent sa maîtresse d’école puis son supérieur Al Harrison /Kevin Costner.


PHOTO: des NOIRS sauraient faire un travail d'ingénieur ? IMPOSSIBLE !


Le réalisateur insiste bien sur le fait que la différence à la NASA, c’est que l’esprit scientifique prend peu à peu le pas sur la différence de couleur, lisse les inégalités et favorise le respect. Ainsi Katherine et ses amies Dorothy/Octavia Spencer (Get on up) et Mary/Janelle Monae (Moonlight) contribuent-elles chacune à leur manière et avec leur talent respectif dans leur champ de recherches, à la conquête spatiale. Elles seront peu à peu reconnues par leurs pairs, comme Vivian Michael/Kirsten Dunst et Paul Stafford/Jim Parsons.


La solidarité des trois amies fait chaud au cœur et l’humour qu’elles s’obstinent à conserver en toute circonstance est courageux, parfois sacrément culotté. Le réalisateur insiste aussi sur le fait que bien que scientifiques, elles n’en restent pas moins femmes et mères… Il aurait toutefois pu s’abstenir de développer la vie amoureuse de Katherine, qui n’apporte rien d’autre au film que le plaisir de recroiser Mahershala Ali (Moonlight, encore). Enfin, la musique des années 60, revisitée par Pharell Williams, par ailleurs co-producteur du film, souligne chaque moment important du combat de ces femmes.


Certains pourront objecter que LES FIGURES DE L’OMBRE est un peu too much : le film présente ainsi une communauté de la middle class afro-américaine croyante un peu trop idyllique, un patriotisme un peu trop appuyé, un féminisme un peu trop utopique et des héroïnes un peu trop parfaites… On répondra néanmoins que LES FIGURES DE L’OMBRE, en rendant un si bel hommage à ces femmes de l’ombre, porte aussi un sacré message d’espérance à propos de l’intelligence humaine !


Par Sylvie-Noëlle, pour Le Blog du Cinéma

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le 31 mars 2017

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