Un film d'anticipation qui ne paye pas de mine

2027. La dernière génération d'Hommes sur Terre guerroie pour tenter de donner un sens à leur vie, sachant qu'aucune descendance ne sera là pour prendre le relai. En effet, les femmes ne peuvent plus enfanter depuis environ 18 ans. Dès la première scène, l'annonce du meurtre de l'homme le plus jeune de la planète (18 ans) consterne toute la population. L'espoir semble avoir quitté l'humanité mais, quelque part aux Etats-Unis, une femme se retrouve miraculeusement enceinte. D'ailleurs, le fait que cette femme soit noire est très intéressant, considérant que les Hommes, peu importe leur continent d'origine, sont tous des Hommes. Cela ferait une bonne leçon pour certains, même si le réalisateur met l'actrice en scène sans même mentionner à quelque moment que ce soit le faux débat des couleurs de peau, ce qui rend l'image encore plus forte, à mon sens.

Clive Owen, magistral de simplicité et d'humanité, aurait pu à lui seul tenir le film. Mais le réalisateur n'est pas non plus en reste, puisqu'il nous pourvoit de mises en scène tantôt excellentes, tantôt exceptionnelles. Je pense notamment à une scène (à laquelle Harly m'avait demandé de prêter une attention particulière) dans laquelle l'acteur traverse un champ de bataille. De bien des façons, cela m'a rappelé la fameuse longue scène de fusillade dans Heat, dont le tempo et la musique était exprimés par le bruit des balles, de leurs impacts, des respirations et des cris afin de plonger le spectateur dans une sorte de torpeur réaliste.

Et bien, dans Children of Men, Alfonso Cuaron a choisi la même musique, tout en optant pour le style "caméra à l'épaule", en conservant la même prise pour une scène d'une dizaine de minutes où l'on voit des centaines de figurants, des combats acharnés et sanglants, des tanks se mouvoir, des explosions, des morts... Tout cela en une seule prise. D'ailleurs, à un moment où Owen se met à couvert dans un bus rempli de personnes qui ont eu la même idée, quelqu'un se prend une balle perdue juste à côté de lui, et quelques tâches de sang viennent se coller à la caméra. Pendant au moins 5 minutes, puisqu'il s'agit toujours de la même prise, Owen se déplace de couvertures en couvertures, haletant, transpirant, apeuré, la caméra entachée d'hémoglobine suivant son parcours, nous tenant en haleine comme si l'on se tenait à ses côtés, tentant de survivre en plein milieu d'une guerre civile. Cette dizaine de minutes prouve une certaine prise de risque de la part du réalisateur, qui s'en est parfaitement sorti (combien de fois a-t-il dû tourner cette scène ? Ca a bien dû lui coûter 1/5ème du budget...), bien aidé par un Clive Owen qui prouve là encore qu'il est un grand acteur. Oui, il l'est, car peu aurait pu être convaincants sur une scène aussi longue filmée par la même caméra. Or, on se surprend à être tendu avec lui, à vouloir nous aussi parvenir à nous extirper de ce champ de bataille citadin qui sent très fort le désespoir.

J'ai choisi de détailler cette scène spécifique car elle reflète à elle seule l'esprit du film, à savoir un réalisme surprenant, et une humilité teintée de mélancolie qui nous poursuit sans relâche tout au long de ces 1h44. Profond, humble, bon casting, bons dialogues, bon scénario, excellente mise en scène, réalisation quasi-parfaite, Children of Men a été une superbe découverte tant par sa simplicité que par l'originalité que ce film peut afficher dans un genre post-apocalyptique abondamment dominé par les réalisations banales et sans saveur. Ici, la liberté, l'espoir, l'unicité, la nature humaine, surtout, prennent tous une ampleur sincère et pourtant discrète, sans surplus de leçons morales mal avisées, ou de manichéisme chronique qui a trop souvent gangréné le genre. Children of Men est un film réalisé par des Hommes et interprété par des Hommes. Pas de héros, pas de pouvoirs, les Hommes vivent et meurent. Ils trouvent la mort dans leur lit, sur le champ de bataille, décimés par des maladies, en prenant des balles perdues... Bref, ils vivent et meurent comme des Hommes, pas comme dans un film.

La seule morale que je pourrais tirer de Children of Men, c'est que la nature humaine est ce qu'elle est. L'humain faute, il fait autant le bien que le mal, les gens "biens" ne sont pas forcément ceux que l'on croit, et l'inverse se vérifie également, les mauvais peuvent faire le bien, et les bons peuvent faire le mal. Bref, ce ne sont que des Hommes.

De toute manière, nous sommes tous, sans exception, les Fils de l'Homme.

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le 19 févr. 2012

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Taurusel

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